Le Déjeuner F.Boucher

François Boucher (1703-1770)

 

Le Déjeuner
1739
Huile sur toile

conservé au Louvre

 

François Boucher est le principal peintre du style rocaille français
Ses premières années sont consacrées aux dessins à la copie et à la gravure,
En 1727 il voyage à Rome
En 1734 il est reçu à l’académie royale avec le tableau
Renaud et Armide (conservé au Louvre)
1765 il devient directeur de l’académie royale
Il fit une carrière brillante, connu tous les honneurs.
Il était peintre de la cour de Louis XV et le peintre favori de la marquise de Pompadour.
Pourtant dès 1760 son style passe de mode, le public délaisse cet art qui ne l’émeut pas. Le néo-classicisme prend le pas sur l’art élégant de F.Boucher

 

Composition

Le peintre a représenté une scène de petit-déjeuner.
Un moment d’intimité qui réunit une famille occupée à prendre, certain disent le café, je pencherai plus-tôt pour du chocolat parce que la petite fille assise sur les genoux de le jeune-femme a le visage barbouillé.

C’est une scène d’intérieur.
La scène se passe dans un salon bourgeois et confortable. Sont représentés autour d’une collation, un homme, deux femmes et deux enfants. Les deux femmes accordent toute leur attention aux deux fillettes.

Le cadrage resserré nous fait entrer dans le tableau.
C’est une composition en forme de triangle, le point central est figuré par la chocolatière, les regards s’inscrivent dans les diagonales, la composition s’équilibre avec la position des deux femmes assises de part et d’autre d’une table.
Les lignes du parquet guident le regard du spectateur en passant par la chocolatière jusqu’au reflet de la porte close dans le miroir.

La femme assise à droite est en déshabillé, elle porte un bonnet en dentelle, sur son jupon blanc le soleil entrant par la fenêtre imprime de doux reflets. On retrouve le jeu de lumière sur le tissu de velours vert des robes de la petite-fille et de sa poupée (la poupée porte la même robe que la petite-fille), et sur sur l’étole rouge de la femme assise
Sur la fenêtre les grands rideaux réchauffent l’intimité de la pièce.
Sur le mur l’horloge de style rocaille est mise en valeur par la lumière du soleil filtrant à travers la fenêtre, ses aiguilles confirment ce que nous a révélé la tenue de la jeune-femme, il s’agit d’une scène du matin
Le jeune-homme debout tenant la chocolatière porte un tablier blanc.
C’est probablement un limonadier au service de la famille.

Boucher a dessiné toute sa vie et cela se ressent avec la précision dans le rendu des objets (qui sont eux-mêmes des œuvres d’art : le magot figure trapue provenant de chine, le vase sur la console et la vaisselle décorée de motifs chinois). On retrouve également le trait du dessin avec les boiseries  de la cheminée composée d’un cartel (qui représente un paysage), d’ un miroir qui agrandit l’espace de la pièce et deux appliques en bronze doré.

L’échange des regards les gestes en suspens donnent une impression d’instantané.

L’influence des intérieurs hollandais se retrouve dans la description subtile des détails (comme le reflet dans le miroir) et dans le soin apporté à l’éclairage.
Avec la lumière dorée provenant de la gauche et traversant  la fenêtre, on pense à Rembrandt.

Le jeu des regards entre les personnages et le spectateur ainsi que les couleurs chaudes et lumineuses restituent le climat familial avec une touche de grâce et de légèreté qui est propre à Boucher

 

Analyse

Ce tableau est un précieux document sur l’art de vivre sous Louis XV.
Le tableau montre un intérieur avec des objets exotiques, un mobilier aux formes sinueuses de style rocaille.

Ce tableau reflète les évolutions du monde.
Produits d’un commerce en pleine expansion café et chocolat changent les habitudes bourgeoises. Cette mode s’inscrit dans le goût pour l’exotisme oriental et chinois.
Au delà des nouveautés culinaires c’est toute la société qui évolue.
Les enfants ne sont plus considérés comme des petits adultes. On observe avec les regards tournés vers les petites filles, les jouets tel que le cheval de bois et la poupée que les enfants sont considérés comme des enfants.
Représentatif de la bourgeoisie du XVIIIe et de tous les changements qui l’affectent, ce tableau offre l’image de l’intimité et du bonheur familial à travers la proximité des personnages et la simplicité de leur relation.
C’est un témoignage sur l’évolution des mœurs, notamment en matière d’éducation.

Si le peintre est surtout connu pour saisir la beauté épanouie des ses odalisques et établir avec ses nus féminins un véritable hymne à la femme qui lui vaut la réputation de libertin, François Boucher est un peintre du bonheur moins érotique que d’une sensualité raffinée et si j’ai choisi Le Déjeuner c’est pour vous montrer sa sensibilité au bonheur intimiste et bourgeois.
Boucher ne cherche pas à émouvoir, il peut comme dans Le Déjeuner délaisser ses couleurs pâles qui imitent la soie pour choisir une palette plus chaude qui  met en valeur le bonheur familial.

La bourgeoisie appréciait ces scènes de genre, permettant d’affirmer leur réussite sociale dans une société très hiérarchisée.

Boucher marque toute la fin du siècle de Fragonard à David de son goût de sa vision d’un mode heureux. Il fut un maître pour écarter la gravité et promouvoir la frivolité.
Il représente ce bonheur de vivre sous diverse formes qui vont de la mythologie aux scènes pastorales et même aux scènes d’intérieur et aux portraits.

François Boucher est le peintre officiel de Louis XV et de sa favorite, la marquise de Pompadour. Pour les esprits conformistes, il était le peintre de l’Ancien Régime et de la corruption des mœurs.

Il est aujourd’hui considéré comme un des plus grands peintres du XVIIIe siècle, dont il traduit à merveille l’esprit.
Les  Goncourt : « Le joli, c’est l’âme du temps, et c’est le génie de Boucher. »

 

Famille de Paysans dans un intérieur- Louis Le Nain

Famille de paysans dans un intérieur

C’est une huile sur toile peinte  par Louis Le Nain (1593-1648)

Le plus grand des tableaux des frères Le Nain
Cette œuvre peinte vers 1642 est conservée au Louvre.

Les Le Nain sont trois  frères Antoine Louis et Matthieu.
Trois  peintres  issus d’une famille bourgeoise aisée.
Ils  se forment à Paris où ils s’installent en 1629.

Il est difficile de distinguer l’oeuvre de chacun, ils signaient leurs tableaux par leur patronyme et ils travaillaient ensemble sur leurs tableaux.. .
Ils peignent des scènes religieuses, des portraits et des représentations de la vie paysanne.

 

Composition

La composition s’inscrit dans un rectangle, les personnages s’y déploient en frise
montrant une famille composée de trois adultes et de six enfants rassemblée dans la salle commune de leur maison.
La disposition des personnages, peu naturelle, crée un effet de symétrie qui confère à la scène un aspect calme, posé.
La plupart de la famille est rassemblée autour d’une table, deux femmes et un homme sont assis  et regardent le peintre. Deux enfants sont debout, un des deux joue de la flûte, le troisième est assis par terre à coté d’un chat.
Le premier plan est animé par quelques objets et des animaux : un chat caché derrière une soupière surveille un chien qui se tient dans l’angle  à gauche du tableau.
A gauche du tableau une vieille femme assise droite sur une chaise tient de façon élégante un verre de vin, son port de tête comme ses gestes sont emprunt de dignité.
La sérénité qui se dégage du tableau est renforcée par l’intensité des expressions des visages graves.
Hormis l’enfant qui joue de la flûte tous les personnages sont inactifs.
Trois  enfants sont autour de la table. Ils sont pieds nus (parce qu’il est de coutume de retirer les sabots dans les maisons)
Les seuls aliments visibles sont le pain et le vin.
Le verre laisse voir la transparence du vin
A l’arrière plan à gauche de la toile un feu brûle dans la cheminée devant laquelle se tiennent trois enfants.
La cheminée renvoie une lumière vacillante qui crée une légère profondeur et révèle les silhouettes des trois enfants, en particulier le profil délicat de la fillette.
La lumière extérieure très douce vient de la droite du tableau et souligne délicatement les contours des visages et des corps.
Cette lumière met en valeur la vielle femme assise et souligne l’intensité de l’expression de son visage.
La lumière sculpte les matières, elle renforce les plis et les creux des tissus.
Les vêtements portés par les personnages, sont traités dans des camaïeux de gris et de bruns qui associés à la texture du tissu restituent parfaitement la simplicité et la solidité des habits de paysans.
Les couleurs évoquent le travail de la terre, les visages marqués des personnages plus âgés témoignent de la vie laborieuse des paysans.
Le dépouillement du cadre, la rudesse des lourdes étoffes des vêtements et la modestie des objets quotidiens montrent la condition paysanne au milieu du XVIIe

Analyse

Ce tableau s’inscrit dans un courant ancien celui de l’intérêt pour la réalité.
Dès la fin du moyen-âge les frères Limbourg décrivent les travaux des champs dans les très riches heures du Duc de Berry.
Le goût pour la représentation rurale réapparaît au XVIIe dans les œuvres de Pieter Brueghel le Vieux. Les premières décennies du XVIIe voient également s’épanouir une peinture décrivant les différents aspects de la vie quotidienne qu’elle soit urbaine ou rurale. C’est dans ce contexte que s’inscrit
Famille de paysans dans un intérieur

Le tableau a un double sens.
Le soin apporté à la composition comme au traitement de la lumière mêlant la lumière du feu avec une lumière naturelle venant de la droite du tableau confère à la peinture une dimension poétique
Les frères Le Nain ont exalté cette noblesse populaire qui connait à la fois le sens de la vie et la valeur du travail et ont donné ainsi une portée émotionnelle à leur oeuvre.
En même temps ils réinterprètent la réalité, ils ne peignent pas une imitation directe. Ce n’est pas véritablement un repas mais une évocation à la nourriture. Les peintres recherchent dans la réalité un support à une réflexion religieuse. Le pain et le vin sont des symboles eucharistiques en référence au dernier repas du Christ et des apôtres.

Cette dimension sacrée  de l’oeuvre différencie la démarche des artistes du XVIIe de celle des artistes du XIXe comme Courbet ou Manet plus soucieux d’une approche sociale.