Souvenirs de Mortefontaine -Corot

Camille Corot (1796-1875)

  

Souvenirs de Mortefontaine


1864
Huile sur toile
Dim 65 X 69 cm
Conservé au Louvre

 

Camille Corot

1796 Naissance à Paris
1807-12 Études à Rouen
1822 Études artistiques dans l’atelier du peintre paysagiste A.E. Michallon qui lui inculque les principes du néoclassicisme puis, dans l’atelier de J.V. Bertin où il peint des compositions néo-classiques et des paysages historiques.
1827 Sur l’incitation de Bertin, travaille en plein-air en Normandie et à Fontainebleau.
Est l’un des premiers à travailler à Barbizon.
Commence à exposer ses paysages dans les Salons
1825-28 Voyage en Italie : Rome, Naples et Venise
1834 Retour en Italie : Toscane et Venise
1835 Expose Agar dans le désert. Le tableau est reçu favorablement.
Se rend souvent en Normandie, peint en alternant thèmes religieux et mythologiques et voyage sans relâche jusqu’en 1850.
1850 Atteint une grande notoriété
1862-63 Séjourne à Saintes et participe avec d’autres peintres dont Courbet à un atelier de plein-air dénommé « le groupe du Port Berteau »
1867 Promu officier de la légion d’honneur
1871 Vend très bien ses toiles et fait preuve d’une grande générosité
1875 Meurt d’un cancer de l’estomac.
Corot est enterré au cimetière du Père Lachaise

 

 Introduction 

Dans les dernières années de sa vie, Corot s’oriente vers une peinture de la perception, il privilégie l’étude de la lumière et de ses reflets dans l’eau. Il abandonne les contraintes géométriques et les compositions rigoureuses des néo-classiques.

Souvenirs de Mortefontainea été présenté pour la 1erfois au salon de 1864.
Napoléon III l’acquit à l’issue de cette exposition pour le château de Fontainebleau.

 

 Description

Le tableau représente un paysage de bord d’étang.
Des feuillus sur la droite occupent les 2/3 du tableau. Ils font écran.
La perspective sur le lac se dégage sur la partie gauche de la toile.
Au premier plan une jeune-femme accompagnée de deux enfants sont représentés autour d’un arbre.
Une petite fille est penchée vers le sol, une deuxième a un bras levé en direction de la jeune-femme. Les enfants sont à gauche du tronc, la jeune -femme, à droite du tronc, a les bras levés, elle cueille des fruits sur l’arbre.
Il s’agit donc d’un arbre fruitier, il a poussé droit et haut.
Il délimite cette deuxième partie sur la gauche du tableau.
Son branchage incliné au faîte de l’arbre, dans le même sens (vers la gauche du tableau) que les branchages des feuillus indique la marque du vent.
Un buisson ferme la composition à gauche du tableau.
La forêt se reflète sur les eaux calmes qui miroitent les couleurs du ciel.
La scène se passe dans la brume du petit matin.

 

Composition 

La composition est simple et rigoureuse.

La toile se découpe en trois frises et deux parties

Les frises :
Le premier plan, un sol recouvert d’herbe est planté d’arbres et de buissons
Le deuxième plan, l’étang s’étire sur toute la largeur de la toile
Le troisième plan, le ciel fait écho à l’étang et couvre la moitié supérieure du tableau
La moitié inférieure est occupée pour 1/3 par le premier plan et 2/3 par l’étang

Les parties :
L’une est donnée par les feuillus dont le feuillage très dense occupe les 2/3 de la droite du tableau.
L’autre, donnée par l’arbre fruitier occupe le 1/3 restant à gauche du tableau.
L’arbre fruitier structure l’espace par sa verticalité.
Le choix de cette asymétrie fait référence aux compositions de Claude Lorrain comme sa composition du Paysage avec Pâris et Oenone, dit le gué(1848)

La perspective sur l’horizon est figurée par l’ombre des feuillus projetée sur l’eau.

Les couleurs sont sobres et réduites avec le bleu pâle du ciel et de l’eau et les verts et marrons de la végétation.
L’accord des tonalités argentées exprime une retenue chromatique qui résonne avec le principe du souvenir.

Dans le même désir, la lumière filtrée par l’épais feuillage des arbres du premier plan génère une ambiance vaporeuse propice aux souvenirs
Des rayons de soleil se faufilent à travers le feuillage formant des éclats de lumière par petites touches.
Cette lumière du matin projette sur l’étang une ombre immense qui dévore les 2/3 du tableau.

La touche légère et tremblée fait référence aux premiers travaux photographiques.
Le procédé du daguerréotype nécessitait un long temps de pose qui donnait à l’épreuve tirée un rendu « bougé ».

 

Analyse

 Le parc de Mortefontaine est dans le département de l’Oise, près de Senlis, en lisière de la forêt d’Ermenonville. On y trouve plusieurs étangs dans un site vallonné apprécié des artistes.

Au XVIIIe Watteau s’en inspira pour son tableau Pèlerinage à Cythère
Au début du XIXe Jean-Joseph Bidaud peignit un paysage néo-classique
Le Parc à Mortefontaine

Corot avec Souvenirs de Mortefontaine réalisé en 1864 leur emboîte le pas.

Ce tableau est l’aboutissement de ses recherches.
Corot ne cherche pas à décrire un paysage, il fait une synthèse picturale des sons de la lumière et des images. Il condense tous ses souvenirs du parc en un seul tableau.
Cette œuvre dégage une grande sensibilité

Comme les néo-classiques qui l’ont formé, Corot peint en atelier à partir de dessins pris sur le vif.
Son désir est de transmettre au spectateur les sensations qu’il éprouve dans ce parc immergé dans la nature.

Ce sera la démarche des Impressionnistes dont il se détache par son refus du réalisme pur.

Ainsi Monet multipliera les représentations du motif avec différentes lumières, alors que Corot rassemble toutes ses lumières, toutes ses impressions dans un seul tableau.
Monet et les Impressionnistes analysent, Corot synthétise.

 

Conclusion

C’est une œuvre de la maturité, un paysage plein de poésie

Corot a pris ses distances avec la tradition néoclassique dont il est issu.
Dans ce tableau les personnages sont en harmonie avec l’environnement.
Corot s’inspire de la vie réelle en peignant ses personnages dans une veine naturaliste.
Il privilégie le réalisme, en offrant une magnifique étude de lumière au second plan.

Corot fixe des instants, mais ne raconte pas d’histoire.

Lors de son exposition au salon de 1864 Souvenirs de Mortefontaine est remarqué par le poète, Théophile Gautier et le critique d’art et historien, Théophile Thoré-Bürger.

Souvenirs de Mortefontaine
Avec son ambiance brumeuse et poétique, imprégnée de la nostalgie des souvenirs est un chef d’œuvre.