La Vierge d’Ognissanti -vers 1310. Giotto

 

Giotto di Bondone (1266 ou 67 -1337)

 

La Vierge à l’Enfant trônant dit la Vierge d’Ognissanti

Vers 1310

Tempera sur panneau

Dim 320 x 198 cm

Conservé à la galerie des Offices de Florence, Italie.

 

Le peintre

Giotto est née au sein d’une famille paysanne, vers 1267.
Il commence son apprentissage à Florence dans l’atelier de Cimabue, grand peintre de la pré-Renaissance italienne.
En 1280, il se rend à Rome.
À la fin du XIIIe, il est un maître reconnu pour le « naturalisme » qu’il insuffle à ses œuvres. Il est très demandé et travaille beaucoup.
En 1300 il est à Padoue où il peint les 53 fresques de la chapelle Scrovegni dans l’église de l’Aréna.
En 1330 -33, il est à Naples pour réaliser les fresques commandées par le roi de Naples – comte de Provence, Robert d’Anjou.
À la fin de sa vie, il dirige un atelier à Florence.
En 1334 il est nommé grand maître par la ville de Florence et architecte de la ville.
Il meurt pendant le chantier du campanile de la cathédrale de Florence, en 1337.

Giotto est universellement reconnu comme un pionnier dans le monde de l’art, ayant fait le premier pas artistique vers la Renaissance.

Sa carrière a débuté à l’époque des grands artistes médiévaux, dont il a rapidement troqué les techniques stylisées byzantines contre le style naturel et terrestre pour lequel il est connu aujourd’hui.

Giotto, comme son maître Cimabue, a décoré des chapelles, des églises, des autels et d’autres lieux religieux, représentant des scènes magnifiquement complexes de la vie du Christ et des saints.

Giotto a travaillé aux cotés de son maître Cimabue sur le plafond de l’église Saint François à Assise, représentant des scènes de la vie du saint. C’est son œuvre la plus ancienne mais on peut repérer les représentations dont il était responsable, sa technique commençant à se préciser.

 

Le tableau

Exécuté pour l’église de la Toussaint (d’Ognissanti) à Florence, ce panneau présente de nombreuses innovations. Les personnages sont figurés dans un espace plus humain que divin.
Giotto représente la Vierge en majesté, dans un décor cohérent formé par le trône, la voûte en ogive et les marches de marbre. `
Légèrement tournée vers la droite, le corps de la Vierge est tout en volumes.
Les lèvres entrouvertes, elle semble respirer, tandis que le Christ paraît bouger et parler. L’Enfant se tient droit, sous les regards attentifs des anges et des saints représentés de profil.

 

Composition

Le tableau est un retable, il représente une Maestà (majesté), une Vierge à l’Enfant assise sur un trône, entourée d’anges.

 il a été peint à tempera et à l’or sur bois.
Ses dimensions sont monumentales.

On perçoit le relief et l’espace.
La composition est symétrique et distribue trois plans.

1er plan : le parquet et deux anges agenouillés de part et d’autre de la marche du trône, tenant chacun, dans une main, un vase de fleurs.
Plan médian : centré, le trône sur lequel est assise la Vierge portant sur ses genoux l’Enfant. Des saints sont debout de part et d’autre du trône.
Arrière-plan : deux rangées étagées de saints et le fond d’or.

Le trône est fermé en partie haute par un dais vouté en forme d’ogive, évoquant l’art gothique.
Les parois de la structure du trône en convergeant, créent le volume.
Cette technique est une innovation de Giotto, il fait converger les lignes contrairement au Moyen-Âge qui les faisait diverger. Bien avant que la perspective soit théorisée (en 1436) Giotto suggère la profondeur.

Les personnages sont structurés, ils occupent un volume.
Les anges et les saints ont des visages distincts.
Les saints sont étagés dans un espace imaginaire.

De l’art byzantin, Giotto garde le fond d’or et la symétrie de la composition.

Les saints sont répartis par six de chaque côté du trône et le groupe à gauche du trône se tient en regard du groupe à droite du trône ; les anges se font face dans la même posture de chaque côté de la marche.

Ce fond d’or fait écho à l’or des auréoles et met en lumière le grand manteau bleu foncé de la Vierge et les couleurs vives des vêtements.
La lumière générée par l’or éclabousse la composition ; elle fait ressortir la poitrine de la Vierge et marque ses genoux.
Les ombres dessinent les visages et leur insufflent la vie.

La Vierge et l’Enfant ont une pose naturelle qui les rend réalistes et convaincants.
Les traits de la Vierge sont ceux d’une jeune-femme élégante et sereine.
Elle esquisse un sourire.
L’Enfant est grand, proportionné, son bras droit est levé dans un geste de bénédiction.
Les regards intenses confèrent aux figures une grande présence.

 

Analyse

Cassant les codes de la tradition médiévale, Giotto révolutionne la peinture.
Artiste minutieux, cultivé et raffiné, son œuvre ouvre la voie à la Renaissance.

A/ Au Moyen-Âge, l’Italie conserva avec l’Empire byzantin des liens politiques et culturels étroits qui influèrent sur son art.

Rigides et stylisées, les figures religieuses sur fond doré se caractérisaient par une série de lignes en guise de drapés et un espace résolument plat.

À la fin du XIIIe, plusieurs maîtres révolutionnèrent la peinture en apportant mouvement et volume à leurs personnages. Ils ajoutèrent de la profondeur à leurs compositions tout en introduisant de l’émotion et des interactions humaines. Parmi ces artistes pionniers figuraient Cimabue et son élève Giotto, tous deux florentins ainsi que le siennois Duccio di Buoninsegna. Cimabue se démarqua en adoptant des éléments réalistes. Il transmit son savoir à son élève Giotto, qui dépassa rapidement son maître.

Giotto bouleversa véritablement la peinture avec ses personnages plus volumétriques que linéaires . Ses personnages occupent l’espace et expriment  des sentiments profonds. Comme cette Vierge à l’Enfant sur fond doré.

Dans ce retable, la Vierge d’Ognissanti, Giotto innove mais, il se réfère aussi à l’art byzantin pour accentuer le hiératisme de sa composition.
Il utilise un fond d’or et respecte la symétrie dans sa composition.
La forme des vêtements (les plis de la robe de la Vierge), les coiffures, les mains fines aux longs doigts, les arêtes très accusées des nez, sont empruntés aux coutumes orientales.

Si l’héritage byzantin n’a pas complètement disparu, Giotto a appris de Cimabue un nouveau langage formel qu’il perfectionne. Ses figures sont plus humaines et plus réalistes.

 

B/ Le style de Giotto était nouveau et unique pour l’époque.

Il s’éloigne des figures fluides et irréalistes des œuvres médiévales et donne naissance au mouvement du naturalisme.
Il met l’accent sur l’authenticité.
Il accorde une grande importance à la qualité de la « réalité » dans l’art. Il est  le premier artiste à observer attentivement les humains et à reproduire leurs gestes et leurs expressions dans ses tableaux.

Dans cette Maestà, le réalisme apparait dans le traitement des étoffes, les plis des vêtements mettent en évidence la forme des corps, les genoux des anges, la poitrine et le ventre de la Vierge.

De Cimabue, il a appris à transcrire sur la surface plane du tableau les volumes des corps et des objets.
Il sait moduler les ombres et des lumières pour donner vie aux visages et à la chair. Si la Vierge esquisse un sourire, l’Enfant a une expression de profonde gravité -appropriée au futur destin tragique qui l’attend.

L’ombre et  la lumière attirent l’attention sur la réalité des courbes humaines, le volume, les muscles et les lignes du corps.

Pour peindre les hommes dans leur réalité, leur donner de l’humanité en reproduisant leurs expressions faciales au plus juste, Giotto a observé longuement les gens.
Il a étudié leurs attitudes de peur, de joie, de chagrin, de colère, de désespoir.

Ainsi dans saint François recevant les stigmates -1295-1300, le saint exprime le choc et la crainte lorsqu’il lève les bras dans un geste de soumission et Jésus a un visage calme et complice alors qu’il accorde les stigmates au saint.

Dans la Maestà d’Ognissanti, la Vierge et l’Enfant se touchent les mains,.
Ce détail apporte de l’humanité aux personnages.

Giotto a une vision du divin qui n’est pas mystique comme celle de Fra Angelico. Sa vision est tournée vers l’humain et la simplicité de la vie terrestre.

Ses compositions optimisent l’espace.
Il capte l’attention du regardant sur l’idée principale de la composition en utilisant les lignes d’horizon et les obliques.

Dans cette Maestà la disposition du trône, légèrement en biais, lui permet de donner du relief et de créer la profondeur.

Son utilisation de la couleur.
Giotto rejette le ton céleste de la plupart des œuvres religieuses existantes.
Ses ciels bleus naturels (déployés dans les fresques de La Chapelle Scrovegni) substituent les ciels d’or « célestes » typiques des représentations médiévistes.
Il donne une couleur authentique aux vêtements, aux cheveux et aux visages de ses sujets. Il innove en incorporant des jaunes, des oranges, des rouges et des verts audacieux qui véhiculent une émotion.
Là où ses prédécesseurs utilisaient exclusivement l’or et les couleurs « saintes », Giotto peint le monde tel qu’il est, de manière colorée.

Sa touche est très serrée et épaisse afin de donner un rendu le plus naturaliste possible. Il donne du poids et de la forme à la chair et aux vêtements de ses personnages. `

Dans cette Maestà il mêle retour à l’Antique, sens du naturalisme et acquis de la fin du Moyen-Âge. 

Ses innovations se sont répandues dans toute l’Italie et finalement en Europe lui apportant une renommée et attirant des adeptes et imitateurs ardents.

Giotto a transformé le monde de l’art avec son style et sa technique de peinture révolutionnaires.

 

Conclusion

Élève de Cimabue, ami de Dante et admiré de Michel-Ange, Giotto a contribué à moderniser l’image pieuse en se détournant de la tradition byzantine.

Les contemporains de Giotto respectaient son talent.
Sa renommée ne connut pas de déclin.
Deux cents ans plus tard, Giorgio Vasari écrivit :
« il a rompu définitivement avec un style byzantin traditionnel grossier pour donner vie à ce grand art qu’est la peinture telle que nous la connaissons aujourd’hui en introduisant le dessin d’après modèle réel, une pratique négligée depuis plus de deux cents ans ».

Giotto passa toute sa vie de peintre à affiner sa technique sans en changer. Cette manière non stylisée, émotionnelle et authentique dans la représentation de ses personnages, de ces paysages lumineux, son dévouement au naturalisme, on fait de lui l’artiste définitif de son temps.

Giotto est le « père de la Renaissance ».