La petite Vierge dans une église 1438 – Van Eyck

Cette huile sur bois est conservée à la Galerie de peinture (Gemäldegalerie) qui est l’un des musées d’état de Berlin.
Ses dimensions sont 31 x 14 cm.

Van Eyck  traite son tableau dans une lumière de clair-obscur.
La profondeur du tableau est figurée par un point de fuite désaxé.
Le sentiment d’omniprésence est dû aux dimensions démesurées de la Vierge.
Son visage est à la hauteur du triforium.
La Vierge porte l’enfant Jésus dans ses bras  et,  le regardant est saisi par ce choix de représentation.

La Vierge au chanoine Van der Paele – 1434-36 Jan van Eyck

 

Jan Van Eyck (1395- 1441)

 

La Vierge au chanoine Van der Paele

1434-36

Huile sur panneau de chêne

Dim 92,7 x 36,7 cm (hors cadre)

Conservé au musée Groeninge à Bruges, Belgique.


Le peintre

Jan Van Eyck a commencé sa carrière comme illustrateur de livres, mais c’est en tant que peintre et courtisan de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, de 1425 à sa mort qu’il connut le succès.
Le duc l’appréciait et refusa que son trésorier réduise le salaire du peintre car
« jamais il ne trouverait un homme qui lui convienne autant, d’un tel talent et d’une telle science ».
Le travail qu’il réalisa pour Philippe le Bon ne se limitait pas à de simples peintures. En sa qualité de courtisan, il mena plusieurs missions diplomatiques, dont un voyage au Portugal pour exécuter le portrait d’une possible épouse, Isabelle de Portugal. Ce fut une mission d’importance, car les peintures étaient le seul moyen pour les fiancés de se connaître.

Après son retour, Van Eyck peignit pour le duc et son entourage des panneaux religieux et des portraits, mais il se joignait aussi aux réjouissances de la cour et servait d’intermédiaire auprès d’autres maîtres pour des commandes et autres services.

 

Le tableau

Georges Van der Paele est l’un des trente-trois chanoines siégeant au chapitre de la collégiale Saint Donatien de Bruges. C’est la plus grande église de Bruges.

Il est le commanditaire, en 1434, de ce panneau, destiné à décorer l’autel de la chapelle de l’église saint Donatien. Il est alors âgé de 68 ans.

Ce tableau est l’un des premiers où l’on observe dans le même espace, une
« sainte conversation » et un donateur.
C’est Van Eyck qui lance la mode d’inclure les donateurs dans les compositions.

La Vierge au chancelier Rollin a été peint à la même période.
Les motifs et le thème sont semblables dans les deux tableaux.

Cette peinture commémore la création d’une aumônerie et dépeint le chanoine de façon réaliste, avec le visage ridé et les traits tombants.
Portant une armure très détaillée, saint Georges, son saint patron, et saint Donatien (à gauche) le présente à la Vierge et à l’Enfant.

 

Composition

La composition s’articule en trois plans et se construit autour de la Vierge qui a une position centrale.

Le premier plan est le tapis qui, placé dans l’axe de la composition, introduit la scène.
Le second plan est constitué par le groupe de personnages qui sont distribués dans l’espace en reprenant la forme du chœur.
L’arrière-plan est formé par l’architecture de l’église.
On observe les chapiteaux et les arceaux du chœur de style gothique.

Au centre du chœur d’une chapelle, la Vierge est assise frontalement sur un trône surplombé par un baldaquin. Le baldaquin est orné de lys et de narcisses en référence au Cantique des Cantiques.
Habillée d’un ample manteau rouge, elle trône en majesté et tient l’enfant sur ses genoux. Elle est entourée de personnages.
À sa droite, la place d’honneur est occupée par le patron de la cathédrale et de la ville de Bruges, saint Donatien en tenue liturgique somptueuse.
À sa gauche, le donateur agenouillé porte un surplis de chanoine. Il est accompagné de son saint patron saint Georges, en armure dorée.

La composition fourmille de symboles chrétiens :
Les deux accoudoirs du trône de la vierge sont des sculptures en pierre.
Au-dessus d’Adam, du côté droit de la Vierge, la sculpture représente le meurtre d’Abel par Caïn.
Au-dessus d’Ève, du côté gauche de la Vierge, la sculpture représente la victoire de Samson sur le lion.
Sur un chapiteau, au fond du chœur, à droite de la composition, sont représentés le sacrifice d’Abel et celui d’Isaac.

Les figures des saints et de la Vierge sont majestueuses et traditionnelles.
Saint Donatien porte une mitre d’évêque et une chape de brocart bleue, brochée d’or. Le rendu est magnifique. Sa main gauche est serrée sur le manche d’une croix processionnelle. Dans sa main droite il tient une roue surmontée de cinq bougies allumées.

Le chanoine est dépeint dans une attitude d’extrême dévotion avec une grande précision et beaucoup de réalisme. Chauve, le visage affaissé, les taches brunes, les bésicles, décrivent la vieillesse du chanoine.
Il est agenouillé, vêtu d’un surplis canonial blanc avec, autour de son cou, l’aumusse de fourrure pour se protéger du froid. Il tient dans ses mains les objets de son office, un bréviaire, une peau de parchemin (allusion à sa fonction de secrétaire pontifical) et ses bésicles.
Il est présenté à la Vierge par saint Georges qui se tient à ses côtés.
Saint Georges a posé son pied sur un pan de l’aube du chanoine. Il ne le touche pas avec sa main droite (l’ombre en atteste) qu’il tend pour l’introduire auprès de Marie.

Van Eyck choisit ses couleurs en harmonie avec les couleurs des armoiries de Bruges.

Plus que les couleurs, ce sont les carnations et l’attitude vivante de l’enfant Jésus qui donnent vie au tableau. L’enfant Jésus se tortille sur les genoux de sa mère, il retient un perroquet avec sa main droite et lui tend de sa main gauche un bouquet de crucifères multicolores.

La Vierge est impassible, sa tête est penchée, son regard posé sur le chanoine.

La lumière entre par la gauche de la composition
Elle circule dans l’image. Elle embellit les étoffes et les carnations.
Elle flatte l’armure de saint Georges et l’architecture.

Les soies, les brocards et les pierres sont d’un réalisme saisissant.
C’est avec sa touche invisible et sa technique de superposition des glacis que Van Eyck obtient un rendu aussi subtil.

 

Analyse

Nul n’exprime mieux les caractères que Jan Van Eyck

I – Sa technique est très sûre.

Ses personnages et ses objets ont un modelé et un rendu jamais atteints.
Sa technique consiste à appliquer systématiquement plusieurs couches de glacis à l’huile teinté, créant des surfaces à l’aspect émaillé, à la fois profondes et translucides.
Son coup de pinceau est si fin qu’il est invisible et ses œuvres semblent à la fois gigantesques et microscopiques.
On distingue chaque cheveu, chaque reflet sur un bijou.
Dans ses paysages urbains et ruraux de minuscules personnages s’affairent à leurs occupations.

II – Il donne du souffle à sa composition

Van Eyck mixe les détails réalistes avec les symboles chrétiens.
L’image gagne en vivacité.

Le cadre choisit éclaire les propos de l’artiste.
Si la perspective centrale distribue les figures dans une grande cohérence et solennité, la présence des détails et des symboles apportent une bouffée d’air.

 Les détails réalistes sont pour le chanoine : il est vieux, il a des bajoues, il a besoin de lunettes et, il ne les porte pas !
Son saint patron Georges ne lui marque pas de déférence, son pied droit foule son surplis. Cependant saint Georges ne se conduit pas familièrement, s’il présente le chanoine à la Vierge il le fait avec un geste de sa main gauche qui se tient à distance de l’épaule du chanoine – son bras gauche maintient la hampe de son étendard contre son épaule tandis qu’il incline sa tête vers la Vierge en tenant son chapeau de sa main droite, dans un geste respectueux.

Les symboles religieux se concentrent sur les figures chrétiennes.
Saint Donatien est représenté comme un prince, sa croix processionnelle est un symbole de repentir et de pardon, la roue aux chandelles (rappel du miracle qui sauva la vie de l’enfant Donatien) est un attribut de sainteté.
L’enfant jésus retient un perroquet de sa main droite et lui présente un bouquet de fleurs bariolées, qu’il tient dans sa main gauche.
Le perroquet est le symbole de l’immaculée conception de Marie et de la toute-puissance de Dieu.
Les fleurs crucifères (en forme de croix) sont une allusion à l’avenir de l’enfant Jésus.
La Vierge en majesté, revêtue de rouge écarlate, évoque la paix et la béatitude éternelles.
Les sacrifices d’Abel et d’Isaac, préfigurent le sacrifice du Christ.
Les sculptures du trône de la Vierge, le sacrifice d’Abel par Caïn et la victoire de Samson sur le lion, représentés sur les accoudoirs du trône illustrent des épisodes de la genèse et accompagnent les saints. Au moyen-âge la scène du combat victorieux sur le lion, symbolisait la victoire du Christ sur sa mort.
Saint Donatien représente l’église sacerdotale et saint Georges -vainqueur du dragon (comme Samson du lion) représente l’église combattante.

La Vierge est assise entre les deux pouvoirs, l’évêque et le guerrier.

Van Eyck a peint son commanditaire en flattant son appartenance à une élite ecclésiastique, aristocratique et cultivée.

Le regardant doit prendre le temps d’observer le tableau s’il veut découvrir la continuité narrative qu’installe van Eyck avec ses interactions visuelles et ses figures qui regardent vers l’avenir chrétien.


III – Dans ce tableau, van Eyck montre l’invisible.

Agenouillé devant la Sainte Conversation qui réunit la Vierge, l’enfant Jésus, Saint Donatien et Saint Georges, le chanoine van der Paele tient un livre de prières qu’il ne lit pas et, entre deux doigts, ses bésicles qu’il a ôtées.

Les lunettes constituent la clef de lecture de l’œuvre :
Malgré la perspective centrale qui les situe dans le même espace, le chanoine, dont le visage, traité avec un naturalisme scrupuleux, contraste avec l’idéalisation des traits des saints, appartient à un autre niveau de réalité que ces derniers. Ses yeux dans le vague, privés des lunettes, il ne voit rien.

La scène qui l’entoure ne peut être que la vision née de sa dévotion, le livre en est le support.

Le chanoine est aveugle sans bésicles, son regard est intérieur. C’est le regard de son âme, une image mentale, une vision, qu’il communique au regardant.

La cohérence de la forme (I), de l’effet (II) et du concept (III) conduisent à interpréter les interactions symboliques de ce tableau comme résolument expressives. Le tableau est le reflet de la puissance de l’église à laquelle le chanoine van der Paele appartient.

En passant de l’état inerte à celui d’une vision, le tableau remplit sa fonction qui est de figurer l’œuvre mystique et d’en être le médium et le lieu.

Dans cette œuvre Van Eyck montre la présence du sacré avec du mystère, de la vie et de la réalité.

 

Conclusion

Jan Van Eyck est reconnu dans toute l’Europe pour son art de la peinture à l’huile et sa capacité à représenter objets et cadres dans leurs moindre détails.
Comparé aux peintres italiens contemporains de son époque, il est le seul à donner l’illusion de l’espace.
La Vierge au chancelier Rolin en est une magistrale démonstration.

Si la plupart de ses œuvres sont religieuses, Van Eyck montre les personnages sacrés comme des êtres humains vivant dans un cadre réel et entourés d’objets tangibles.

Au XVe, Jan van Eyck est le peintre flamand le plus célébré.

Inégalé par ses contemporains, il signe ses œuvres en latin en citant sa devise
« Comme j’ai pu », qui exprimait à la fois sa fierté et son humilité.