Sainte Françoise Romaine – 1657- Nicolas Poussin

Nicolas Poussin (1594-1665)

Sainte Françoise Romaine 

1657

Huile sur toile
Dim 130 x 101 x 7 cm  (H x L x l )

Conservé au Musée du Louvre à Paris 

 

 

Le peintre 

Nicolas Poussin est né en Normandie au sein d’une famille noble.
Ses capacités pour le dessin sont vite identifiées.
En 1610, Poussin se rend à Paris et entre dans un atelier. À la fin de l’année Poussin voyage en Italie. Il découvre les grands maîtres de la Renaissance et de l’Antique.
De retour à Paris, il rencontre Philippe de Champaigne et le Cavalier Marin qui le loge.
En 1624, il retourne à Rome et travaille pour le neveu du pape, la cardinal Francesco Barberini.
Poussin est un peintre de sujets historiques et religieux.
Sa renommée atteint la France.
Il continue à travailler pour la cour du roi de France depuis l’Italie où il est retourné.
Nicolas Poussin est associé au classicisme français et au règne de Louis XIII, bien que l’artiste ait passé la majeure partie de sa carrière à Rome.
Inspiré par la beauté de l’Antique, Poussin fait revivre dans ses œuvres des épisodes  de l’histoire ancienne ou mythologique. Il a été aussi l’inventeur du paysage idéal.
Après un court séjour en France, Nicolas Poussin est revenu vivre à Rome à l‘automne 1642. Au moment de la commande de ce tableau, il est âgé de 60 ans et est affecté par un tremblement de la main qui s’accentue de mois en mois. Véritable drame pour un perfectionniste tel que lui, qui malgré ce handicap produit encore de purs chefs-d’œuvre.

 

Le tableau 

C’est une œuvre baroque réalisée lors du second séjour à Rome de Nicolas Poussin.

Françoise Romaine (1384-1440), une noble romaine fondatrice d’une congrégation de moniales oblates, est connue pour sa charité et ses visions mystiques.
Elle aurait prédit la fin de la peste, ce qui en fait la sainte patronne et protectrice de la ville.

Ce tableau est une commande du cardinal Giulio Rospigliosi, futur pape Clément IX de 1667 à 1669, au peintre Nicolas Poussin, comme un ex-voto pour célébrer la fin d’une épidémie de peste qui sévissait à Rome et dans une partie de l’Italie.

Ce tableau ne fut jamais exposé dans une église. Le cardinal Rospigliosi, ne le fit pas entrer dans les collections pontificales lorsqu’il devint le pape Clément IX, et le tableau revint à ses parents et héritiers après sa mort.

Le tableau est conservé dans la famille du cardinal jusqu’en 1798.
En 1873, l’œuvre est en possession d’Alexis Le Go, secrétaire de la villa Médicis, qui le rapporte en France dans son château de Jean Val, dans le Var. Après sa mort il passe dans sa descendance.
Le tableau a disparu pendant près de deux siècles avant d’être retrouvé chez des particuliers dans le sud de la France dans les années 1990.
Considéré comme perdu par Jacques Thuillier il réapparaît lors de sa vente en 1999.

Sainte Françoise Romaine annonçant à Rome la fin de la peste a été acquis en 1999 par l’intermédiaire de la Société des Amis du Louvre et avec la participation du Fonds du Patrimoine, elle entre dans les collections du département des peintures du musée du Louvre sous le numéro RF 1999.1. Le musée du Louvre la réintègre dans le corpus des grands chefs-d’œuvre de Poussin.

 

 

Composition 

Le fléau de la peste personnifié à droite,  est chassé par un ange, tandis que Françoise Romaine qui tient les fléchas brisées, apparait à une dame romaine.

Une autre interprétation présente Françoise Romaine dans la femme agenouillée et la Vierge dans celle qui lui apparait.

La scène illustre une vision de sainte Françoise (1384-1440), une aristocrate devenue veuve, qui fonda une communauté de femmes laïques vouées à la prière et au service des pauvres. La vision montre la sainte assistant à l’expulsion de la peste de Rome par l’archange guerrier.

La scène se déroule sur le devant d’une imposante architecture marquée par des pilastres classiques encadrant une grande arcade.

La composition est soigneusement équilibrée, avec une palette de couleurs qui évoque un sentiment de paix et de dévotion.

Cette palette riche et dramatique, est typique de Poussin durant cette période.

L’utilisation de la lumière et des ombres souligne les traits du visage et les détails des vêtements, créant une atmosphère à la fois intime et solennelle.

La composition est audacieusement divisée en deux parties distinctes par une forte diagonale séparant le monde d’en bas affecté par la peste, et la sphère céleste où se manifeste la vision.
Les deux parties distinctes, illustrent la dualité entre le fléau  terrestre et l’intervention divine.

En bas à gauche : les conséquences dévastatrices de la peste : le monde terrestre est tragique, marqué par la maladie et la mort, et symbolisé par un cadavre de pestiféré.

Les victimes soulignent la victoire temporaire de la maladie et la souffrance humaine.

En haut : Cette partie est dominée par l’apparition de sainte Françoise dans une nuée, elle tient dans ses mains les flèches brisées, symbole de la défaite de la peste. 

Poussin a représenté le monde céleste et divin, où la peste est mise en fuite par un archange.
L’archange, le guerrier céleste, armé d’un bouclier,  brandissant son épée, chasse l’incarnation de la peste.

Au centre de la composition, la figure d’une romaine agenouillée est l’intermédiaire entre les deux mondes, exprimant l’espoir et la dévotion.
Cette figure féminine personnifie Rome. 

En bas à droite, la peste : la figure allégorique de la peste s’enfuit, entraînant avec elle un jeune homme mourant et un enfant. Cette figure reprend les traits du « Gladiateur emportant un enfant mort » célèbre statue antique des collections Farnèse.

Poussin oppose la violence de la fuite de la peste, avec ses figures tourmentées, au calme et à la piété de la sainte, créant une tension dramatique propre au classicisme baroque. 

Le personnage couché à l’arrière-plan, maintient la sainte en suspension et crée un mouvement ascendant dynamique.
Ce personnage est une citation de « sainte Cécile » de Carlo Maderno réalisée en 1600. (Conservée à Rome dans l’église Sainte-Cécile).

Les regards et les visages se correspondent et expriment avec une réelle intensité la compassion victorieuse de la sainte et la confiante imploration de Rome.

Dans ce tableau Poussin privilégie le dessin à la couleur. 

C’est la pratique de Poussin, de plus en plus volontaire et dominante, d’une technique où  la touche colorée elle-même engendre la forme.

Les symboles présents, tels que les éléments religieux entourant la sainte, ajoutent une dimension narrative, invitant le spectateur à réfléchir à la vie et aux vertus de la sainte.

 

 

Analyse 

Sainte Françoise Romaine est une œuvre fascinante qui incarne à la fois la profondeur spirituelle et la maîtrise technique de Poussin.

Poussin réussit à capturer la sérénité et la piété de Sainte Françoise, mettant en avant son rôle en tant que guide spirituel.

Ce tableau illustre l’héritage du classicisme poussinien , où la beauté formelle est au service d’une représentation spirituelle, faisant de cette œuvre un chef-d’œuvre de la peinture baroque.

L’épisode fait écho à une autre légende romaine, celle de la peste de 590, où l’apparition de l’archange Saint Michel au-dessus du mausolée d’Hadrien (depuis appelé le Castel Sant’Angelo) signifia la fin de l’épidémie.

Le tableau bien que d’inspiration baroque par son dynamisme et son sujet religieux, est ancré dans le classicisme de Poussin.

Le peintre utilise un stratagème technique pour organiser l’espace, plaçant par exemple une figure couchée qui aide à maintenir l’illusion de la suspension des figures célestes.

Les deux personnages au premier plan sont situés sur la diagonale qui articule le tableau en deux parties bien distinctes.

En bas à gauche une victime a succombé à la peste tandis que la partie supérieure à droite la personnification de la peste fuit, chassée par un ange guerrier. 

La figure de l’épidémie entraîne dans sa fuite deux autres victimes : un jeune homme étendu à terre qu’elle tire par le pied, et un enfant qu’elle porte sur son épaule gauche.

L’œuvre révèle l’approche intellectuelle de Poussin, qui préférait les arrangements mesurés et réfléchis aux effets purement théâtraux de certains de ses contemporains.

Le tableau représente les forces spirituelles qui ont concouru à obtenir du Ciel l’éloignement du fléau et, par delà l’épidémie, il célèbre la victoire sur le démon qui répand ou aggrave les maux qui affligent l’humanité.

Ce tableau est marqué par la puissance avec laquelle Nicolas Poussin malgré sa main malade (il a 60 ans quand il réalise ce tableau) a exprimé la force de la prière et l’efficacité de l’intercession des saints.

L’unité du talent de Poussin englobe les divers moments de sa carrière et non seulement les différents apports d’une tradition, mais également les différentes formes de présentation personnelle qui l’ont successivement tenté.

Poussin applique dans ce tableau une formule d’interprétation critique à la mode, celle de l’effusion ou de l’affleurement involontaire des qualités spirituelles, dernier relent à la fois de l’innéité et du romantisme symbolique du siècle dernier.

Ce tableau de Poussin comporte un récit. Il rapporte une anecdote empruntée à la tradition chrétienne et reflète la qualité lyrique de l’âme de Poussin.

Poussin a pris un grand soin à la bien raconter, ainsi qu’à assortir l’harmonie générale de sa toile au contenu sentimental de l’évènement.

Le classicisme de Poussin vient après l’éclatement de la poétique baroque, quand les Romains, suivant Bernin, ont donné au monde un univers poétique où la terre et le ciel, la vie et la mort s’unissent « en une seule palpitation universelle à travers le mouvement incessant et grandiose des formes dans l’espace, de l’ombre et de la lumière » ; alors surgit le courant classique, né d’une opposition à ce baroque frémissant qui incarne la vie.

Poussin représente le mieux ce contre-courant, dans la mesure où, ayant résisté aux séductions momentanées de Titien et de Véronèse, il est revenu à la tradition de Raphaël en même temps que le Guide et le Dominiquin, que l’Albane et que Pierre de Cortone.

Le classicisme de Poussin est le résidu d’une culture séculaire, il constitue une décantation de valeurs antérieurement élaborées.

Poussin privilégie une approche intellectuelle et philosophique.
Son traitement est clair, précis et ordonné, influencé par l’Antiquité et la Renaissance.

La beauté suprême de ce tableau naît d’une merveilleuse technique de peintre absolument étrangère aussi bien à Léonard qu’à Raphaël.

Si Poussin est grand c’est parce qu’il est l’un des dix peintres qui ont créé un maniement original de la couleur.

Ce tableau est dense, plein, harmonieux, il constitue une œuvre parfaite, parce qu’il nous offre un achèvement exceptionnel dans le domaine de la facture.

L’opposition couleur-lumière s’y efface comme chez un Chardin ou un Cezanne.

Voilà pourquoi au XVIIe la peinture de Poussin est la plus moderne du temps, voilà pourquoi elle nous subjugue comme toutes les grandes inventions, voilà, pourquoi elle  déconcerte, et voilà pourquoi c’est la mise en relation de l’homme et du paysage qui s’est trouvée la solution la plus adaptée aux intentions profondes de Poussin et de son temps.

L’art de Poussin reste d’une certaine manière formelle, engagé dans la culture ancienne, il constitue la véritable expression d’un moment de la pensée moderne.

Comme chez Molière, on trouve chez Poussin cette amertume du sage et du stoïque substituant la sagesse de la raison au mythe de l’âge d’or et des paradis.

Le renoncement de Racine est proche de l’austère résignation de Poussin.

Poussin, le peintre, est sans doute celui qui, avec les savants, a réussi à s’avancer le plus loin dans la voie du dépouillement de l’homme ancien.
Il est l’un des premiers qui associe en les opposant nos sensations et nos représentations.
L’un des premiers à avoir établi son art sur les bases de l’expérience individuelle, lien direct entre Montaigne et le nouvel historicisme dialectique du XVIIIe français.

Le tableau est une méditation sur la souffrance, l’espoir et l’intervention divine. 

La figure de sainte Françoise Romaine sert d’intermédiaire entre le monde des hommes et le ciel, annonçant la fin du fléau par la grâce de Dieu.

La composition et le sujet reflètent la volonté de Poussin d’allier les concepts éthiques à l’art visuel, invitant le regardeur à une réflexion profonde sur la foi et la sagesse face aux épreuves de la vie. 

Le tableau célèbre la victoire sur le démon qui répand les maux qui affligent l’humanité.

Malgré sa main malade, Nicolas Poussin a exprimé la force de la prière et l’efficacité de l’intercession des saints.
Ce tableau est un témoignage précieux du Poussin peintre religieux de la fin de sa vie.

Ce tableau nous fait entrer de plain pied dans le temps et la mémoire de Rome au milieu du XVIIe siècle, alors que la Ville éternelle est à la recherche d’une synthèse des arts, de l’érudition et de l’histoire religieuse.

 

 

Conclusion 

Sainte Françoise Romaine annonçant à Rome la fin de la peste est un témoignage puissant du talent de Nicolas Poussin en tant que peintre religieux et allégorique.

Il combine un sens aigu de la composition, une narration claire et une réflexion sur des thèmes spirituels profonds, tout en illustrant le classicisme tempéré par le mouvement baroque qui a caractérisé son œuvre tardive.
Nicolas Poussin représente, pour la tradition française, l’aboutissement de l’effort classique vers la clarté.

Un géant aveuglé, voilà en effet comment Poussin avait pu se comprendre lui-même dans ces années. Poussin aveuglé, parce qu’il a considéré la réalité, la terre, la poussière du sol romain comme un mirage, une ombre, un fantôme dont il s’est détourné au profit de la fausse lumière.

La tradition critique de l’histoire de l’art, celle d’Anthony Blunt notamment, rapporte la peinture de Poussin aux textes théoriques des Lettres et Propos sur l’art pour y trouver une influence stoïcienne puisée chez Sénèque, Plutarque ou Montaigne. Elle en tire argument pour retrouver les principes du stoïcisme dans les derniers paysages de Poussin qui, à partit des années 1650, présentent l’engloutissement progressif de l’homme dans la nature.

Le dialogue direct de l’homme avec la nature tel que l’a conçu Poussin au terme de sa carrière l’apparente aux modernes.

Style de la vision directe, analytique mais totale, l’art classique de Poussin s’oppose au mythe médiéval et renaissant comme à l’illusionnisme baroque.

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Sources :
Pierre Francastel –Poussin et l’homme historique –1964
Biographie : Beaux Arts Magazine -2020

Les aventures d’Akbar-namé avec l’éléphant Hawa’i- 1590-1595 – Basawan

Basawan (actif de 1580 à 1600)

Les aventures d’Akbar-namé avec l’éléphant Hawa’i

1590-1595

Peinture à l’eau sur papier

Dim 33 x 20 cm 

La miniature fait partie du manuscrit de l’Akbarnama et est actuellement conservée au Victoria and Albert Museum de Londres.

 

Le peintre 

Basawan était un peintre en miniature indienne de style Moghol. Il était connu de ses contemporains comme un habile coloriste et un fin observateur de la nature humaine, ainsi que pour son usage du portrait dans les illustrations de l’Akbarnama, biographie officielle de l’empereur moghol Akbar, considéré comme une innovation dans l’art indien.

 

L’œuvre 

La miniature intitulée Les aventures d’Akbar-namé avec l’éléphant Hawa’i est une œuvre majeure de la peinture moghole, illustrant un épisode de l’adolescence de l’empereur Akbar et commandée pour le Akbarnama, la biographie officielle de son règne.

Cette page qui représente Akbar domptant l’éléphant Hawa’i (métaphore du contrôle sur son empire) fut peinte par Basawan et fait partie d’une double page illustrant cette scène.

La composition de la scène est attribuée au maître Basawan, tandis que la coloration a été réalisée par un autre artiste nommé Chetar (ou Chatra). Cette collaboration était une pratique courante dans l’atelier impérial moghol.

L’œuvre illustre un incident survenu en 1561 devant le Fort d’Agra, où le jeune empereur Akbar (alors âgé de 19 ans) a dompté le féroce éléphant Hawa’i. 

L’incident est également lié à une poursuite sur un pont de bateaux sur la rivière Yamuna.

La scène décrit l’aventure d’Akbar sur son éléphant Hawa’i, devant le fort d’Agra en 1561.

Selon Abu’l Fazl, Hawa’i était réputé pour être l’un des éléphants les plus forts et les plus difficiles à manier. Pourtant Akbar le monta avec aisance et le confronta à un éléphant tout aussi féroce, San Bagha.

L’illustration montre Akbar monté sur Hawa’i, poursuivant l’éléphant San Bagha à travers un pont de bateaux en ruine sur la rivière Yamuna. 

Le pont s’effondre sous le poids des éléphants et plusieurs serviteurs d’Akbar ont sauté à l’eau pour suivre la poursuite.

Le récit du règne d’Akbar fut somptueusement enluminé par les plus talentueux artistes de la cour, du moins l’exemplaire destiné à l’empereur.

Le regardeur voit la moitié gauche d’une composition sur deux pages.

La miniature est conçue comme une double page, avec cette scène de gauche montrant le point culminant de l’action.

Basawan utilise une perspective en plongée et une vue plongeante pour mettre en scène l’intensité de l’action, montrant le pont qui s’écroule et la foule en bas.

Le regard est attiré par la diagonale du pont, qui traverse la composition et ajoute au sentiment de mouvement et de danger.

Basawan est un habile coloriste et un fin observateur de la nature humaine.

 

Analyse 

Manuscrits moghols et hindous : du XVIe au XIXe siècle 

On parle généralement de l’Inde musulmane pour la période allant du XVIe au milieu du XIXe. C’est là une vision réductrice qui passe sous silence les nombreuses dynasties hindoues contemporaines des grands Moghols (1526-1858) et le fait que même les souverains moghols, notamment Akbar (règne 1556-1605) allaient soutenir la fondation de temples hindous et commander la traduction et l’illustration de textes hindous.

Akbar installe à sa cour, des ateliers réunissants des copistes, des traducteurs et des peintres. On doit à ces ateliers une extraordinaire  production de manuscrits, dont une histoire de son règne intitulée : Akbar-namé.

L’exemplaire impérial qui fut présenté à Akbar est parvenu jusque’à nous.

Il est fait mention des trois artistes qui se partageaient traditionnellement les différentes étapes : le premier était chargé du dessin et de la composition de la page, le deuxième de l’application des couleurs et un troisième peintre réalisait les portraits.

Les artistes travaillant à la cour du fils et successeur d’Akbar, Djahangir (1605-1627) poussèrent encore plus loin le souci du détail.

Djahangir hérita d’un empire suffisamment stable pour consacrer une grande partie de son temps aux arts. Il prétendait pouvoir reconnaitre le style de chaque artiste jusque dans les moindres détails et récompensait ceux dont il appréciait les œuvres. 

L’art du portrait y compris la représentation des animaux exotiques apportés à la cour qui fascinait l’empereur, se développa sous le règne de Djahangir et continua à jouir d’une grande faveur sous son successeur, Chah Djahan (1628-1658).

Si Chah Djahan  est plus connu pour le soutien qu’il apporta à l’architecture (il fit construire le Tadj Mahall) il commanda des portraits de personnages importants de sa cour et se fit portraiturer lui-même régulièrement.

De petit format ces peintures n’étaient pas destinées à être exposées publiquement pour légitimer son pouvoir, à la différence des grandes statues publiques, mais réservées pour son propre plaisir et pour un cercle intime de courtisans.

Vers 1600 alors que le règne d’Akbar touchait à sa fin, d’autres styles de peinture, peut-être en écho aux ateliers de la cour moghole, firent leur apparition dans d’autres régions de l’Inde : dans les cours du Deccan, en particulier à Bijapur, dans les royaumes occidentaux du Rajasthan et dans la région pahari des montagnes de l’Himachal Pradesh.

Naturellement des peintres étaient déjà actifs auparavant, puisque des artistes originaires de ces régions travaillaient dans les ateliers d’Akbar.

L’illustration des modes musicaux dans les manuscrits de ragamala est un des thèmes les plus populaires de la peinture rajasthani et pahari.

On trouve également des textes religieux comme le Bhagâvatapurâna dont on connait des manuscrits enluminés plus anciens et de la poésie amoureuse chantant le désir d’union des amants séparés, qui est une allégorie du désir que l’âme a de l’union divine.

Analyse iconographique 

La miniature est une composition dynamique qui utilise plusieurs éléments pour exalter le courage du jeune empereur.

Narration et symbolisme 

Akbar en tant que héros : l’empereur est montré comme un individu audacieux et intrépide, capable de maîtriser les forces de la nature. Il est seul sur le dos d’Hawa’i, tandis que tous les autres observateurs s’écartent ou regardent depuis une distance sûre.

Hawa’i et l’autre éléphant : Hawa’i, l’éléphant principal, est représenté en pleine action, poursuivant l’éléphant rival, San Bagha., à travers le pont des bateaux qui s’effondre sous leur poids.

Akbar aimait tant Hawa’i que lorsque celui-ci mourut un jour de sa belle mort, il le fit enterrer solennellement dans l’enceinte de Fatehpur-Sikri et ordonna d’élever sur la tombe une extraordinaire tour, témoin de son amour pour le regretté et défunt pachyderme.

La foule et le regardeur : de nombreux serviteurs et courtisans sont représentés avec des expressions de peur et d’étonnement, ce qui souligne le danger de l’exploit et met en valeur le courage d’Akbar.

Signification historique et politique 

Légitimité et pouvoir : la miniature n’est pas une simple illustration. 

Elle sert de propagande politique, destinée à cimenter l’autorité d’Akbar et à renforcer son statut de dirigeant exceptionnel, capable de contrôler même les plus grandes forces sauvages.

Jeunesse et vigueur : Cet épisode de sa jeunesse montre la détermination et la force de caractère d’Akbar dès le début de son règne. La maîtrise de l’éléphant, symbole de puissance brute, est une métaphore de sa capacité à diriger un vaste empire.

Après des débuts difficiles et des guerres cruelles, Akbar devint le plus grand souverain de la dynastie et l’un des hommes les plus accomplis de toute l’histoire de l’humanité, symbole même de justice et surtout de tolérance et de tolérance religieuse.

Son animal domestique favori est un éléphant nommé Hawa’i.
l’empereur le voulait toujours à ses côtés, surtout parce que l’éléphant lui servait aussi de, bourreau.

L’empereur avait construit, au nord d’Agra, la fabuleuse cité de Fatehpur-Sikri, granite rose, marbre blanc et noir, chef-d’œuvre d’architecture, de poésie, de beauté. 

Dans la grande cour d’audience, nommée le Divan I Am, il donnait audience à son peuple et il rendait justice. Lorsqu’il prononçait une condamnation à mort, son vizir se chargeait de la paperasserie et appelait le gardien de l’éléphant Hawa’i. On posait la tête du condamné sur une pierre plate et, sur instruction du gardien de Hawa’i, celui-ci de sa patte écrasait la tête du condamné.

Style moghol : la peinture illustre le style moghol naissant, avec ses détails minutieux, ses couleurs vives et son approche naturaliste inspirée de la tradition persane et indienne.

 

Conclusion 

Cette miniature est un exemple parfait de la collaboration artistique au sein de l’atelier impérial moghol et de la manière dont la peinture était utilisée pour raconter et glorifier le règne de l’empereur.

 Elle est une source précieuse pour l’étude de l’histoire de l’art de l’Inde moghole.