Femmes au jardin – Claude Monet 2

Claude Monet (1840-1926)

 

 

Femmes au jardin

 

Vers 1866

Huile sur toile

Dim. 255 x 205 cm

Conservé à Orsay

 

Introduction

Cette toile montre pour la première fois la lumière naturelle et changeante, chère à Monet.

Monet veut peindre directement sur le motif pour capter les effets de la lumière.

Femmes au jardin a été réalisé dans le jardin du peintre à Sèvres.
Pour ce tableau, Monet a creusé une tranchée et installé une poulie pour atteindre le haut de sa toile.

 

Description

« Tu seras les trois femmes qui seront sur la gauche de la toile » dit Monet à son modèle, Camille Doncieux.
Camille s’exécute. Chaque jour, elle change de robe.

Assise au centre, elle porte une robe et une veste blanches ornées de broderies en arabesques noires. Son regard se penche vers le bouquet de fleurs posé devant elle, sur sa robe. On remarque les volants du jupon blanc qui dépassent de la robe, dans l’allée. Elle porte un petit chapeau à galette qui lui enserre les cheveux. Son visage aux paupières baissées, protégé par l’ombrelle s’éclaire d’une lumière chaude.

Debout, de profil et à gauche au deuxième plan, Camille porte une crinoline blanche rayée de vert. Elle est coiffée d’un petit chapeau posé sur son chignon et noué par un long ruban blanc qui descend jusqu’au bas de son dos.

De face et, un pas en arrière de la figure de profil, Camille porte une jupe droite de couleur beige. Elle a le visage enfoui dans un bouquet de fleurs multicolores. Ses grands yeux bruns regardent droit devant elle.

Au fond de l’allée rosâtre, une quatrième femme aux cheveux roux cueille une rose. Elle nous tourne le dos et porte une robe en mousseline blanche à pois noirs qui capte la lumière et illumine le tableau.

Femmes au jardin est une œuvre représentative de la société du XIXe.
On a une étude précise des robes portées par les femmes bourgeoises.

 

Composition

Monet travaille l’ombre et la lumière.

Les visages sont réduits à une esquisse.
Les personnages ont pour fonction d’animer la composition et les tissus de leurs robes renvoient la lumière et dessinent les ombres.

D’un point de vue stylistique, Monet laisse les touches de peinture apparentes.
Avec ce tableau l’ambition de Monet est déjà impressionniste.
Il utilise la technique de juxtaposition des couleurs complémentaires pour accentuer la luminosité. Il peint sur le motif pour préserver l’impression initiale.
Il n’idéalise pas la nature et transmet une perception naturelle saisie à un moment précis.
Les touches sont visibles, certaines formes restent ébauchées, l’essentiel étant que l’impression saisie sur le motif soit transposée sur la toile.

L’artifice de composition consiste à représenter les personnages habillés de vêtements clairs et une allée de sable clair sur un fond de verdure.
Le ciel entrevu entre les frondaisons des arbres en haut à droite du tableau est nuageux. Cependant l’ombre sur l’allée nous indique que la lumière vient de la droite.
Les jeux d’ombre et de lumière font partie intégrante de la composition.

L’arbre est le point central de la composition et constitue une repère vertical naturel.
L’oblique qui s’enfonce dans le jardin, donnant à la représentation sa profondeur, est matérialisée par l’allée de sable.

 

Analyse

Monet dit « je n’ai pas d’atelier » -il désigne les collines : « le voilà mon atelier ! »
Cette toile est originale par le fait qu’elle est peinte sur nature.

Monet a saisi un instant. Il le traduit avec la figure de l’arrière-plan qu’il représente dans un mouvement tournant : la mousseline de la robe vole et accompagne le geste du modèle qui cueille une fleur

Ce n’est pas le portrait qui intéresse le peintre, ce n’est pas son visage, ce n’est pas le modèle, c’est, l’insertion de la figure dans la nature.

Les bouquets de fleurs sont composés et représentés avec soin, ils rappellent que Monet est un grand peintre de nature-morte.

Monet reprend dans ce tableau les robes qu’il avait utilisées dans Le déjeuner sur l’herbe(1865). Ce qui traduit son goût pour les étoffes et plus généralement son goût pour les belles choses. Comme les fleurs qui sont partout.

Ce tableau est une sorte de manifeste.

 

Conclusion

L’objectif poursuivi par les impressionnistes échappait aux observateurs.

Émile Zola représente l’exception lorsqu’il écrit à propos de Femmes au jardin
« Le soleil tombait droit sur les jupes d’une blancheur éclatante ; l’ombre tiède d’un arbre découpait sur l’allée, sur les robes ensoleillées, une grande nappe grise. Rien de plus étrange comme effet. Il faut aimer singulièrement son temps pour oser un pareil tour de force, des étoffes coupées en deux par l’ombre et le soleil. »

Cette composition ambitieuse par sa taille et son style se démarque trop de l’académisme qui impose une touche lissée pour avoir les faveurs du jury.
La toile fut refusée au Salon de 1867.