La mort de Sardanapale -Delacroix 1

Eugène Delacroix (1798-1863)

La mort de Sardanapale
1827
Huile sur toile
Dim. 392 x 496 cm
Acquis par le Louvre en 1921

Eugène Delacroix

1798 Delacroix nait à Charenton Saint Maurice
1806 Décès de son père
1814 Delacroix est orphelin à 16 ans
1819-20 Ses premiers travaux de peinture sont des décors de dessus de porte dans des hôtels particuliers de Paris
1819-1821 Ses premiers tableaux sont deux retables La Vierge des moissons pour l’église St. Eutrope d’Orcemont 1819 et La Vierge du sacré Coeur pour la cathédrale d’Ajaccio 1821
1822 Premier succès au Salon Officiel avec le tableau La Barque de Dante
1825 Voyage en Angleterre. Il se familiarise avec la technique de l’aquarelle et découvre le théâtre de Shakespeare. Delacroix trouvera des sujets dans le théâtre et les mêlera tout au long de sa carrière aux thèmes orientaux
1827 Delacroix présente la mort de Sardanapale unanimement rejeté par la critique.
1830 Delacroix écrit des articles de critique d’Art, dont un sur Raphaël et un autre sur Michel Ange.
1831 la Liberté guidant le peuple est présenté au salon
1832 Delacroix voyage en Andalousie, au Maroc et en Algérie
1840 Il participe à la décoration du palais du Luxembourg pendant 6 ans
1855 Trente six de ses œuvres sont exposées à l’exposition Universelle de Paris
1857 Après vingt ans d’attente il est élu à l’Institut
1863 Delacroix meurt à Paris d’une longue maladie

Histoire du tableau

La scène raconte l’épisode dramatique de la mort du souverain perse Sardanapale. Il s’agit d’Assourbanipal qui vécut entre 669 et 667 av. JC en Assyrie Sa capitale assiégée sans aucun espoir de délivrance, il décida de se suicider avec ses esclaves et ses favorites.
Delacroix s’est inspiré du poème de Byron paru en 1821.
Le livret du Salon de 1827 résume la scène,
Delacroix décrit son tableau :
« Couché sur un lit superbe au sommet d’un immense bûcher, Sardanapale donne l’ordre à ses eunuques et aux officiers du palais d’égorger ses femmes, ses pages et ses chevaux ».

Description

Ce tableau est le règne de la violence et de la confusion.
Le sol est invisible, recouvert de coussins de tissus et d’objets éparpillés, renversés, cet amoncellement désordonné prive le spectateur de ses repères.
On ne définit plus ni le haut ni le bas, ni l’intérieur ni l’extérieur.
Les corps sont emportés dans des postures contournées, dramatiques.
Au premier plan à gauche un esclave noir tirant un cheval par la bride lui enfonce un poignard dans le cœur.
Au bas du lit une femme se voile la face pour échapper à l’horreur du drame.
Au pied du lit, une autre, cambrée est maintenue fermement par un homme qui s’apprête à l’égorger.
A droite une troisième s’est pendue à une tenture.
Au pied du souverain, une femme, à plat ventre sur le lit, chevelure déployée est probablement morte.
On entend des cris et des gémissements. On est ébloui.
La scène semble se déversée sur nous. Elle déborde du tableau.
Le spectateur est le personnage ultime.

Composition

La composition est vertigineuse et complexe.
Elle s’articule autour de diagonales.
Une diagonale traverse le tableau, elle part du roi allongé au dessus du désordre. Sardanapale est le sommet d’un triangle de lumière.
S’appuyant sur ce tracé le regard glisse le long du lit et descend sur la femme cambrée.
Il n’y a pas de centre dans ce tableau
La perspective est fausse.
Le lieu mal définit, imprécis semble se prolonger dans l’espace du spectateur.
Vibrante, la couleur rouge suit la diagonale, inonde le tableau et, semble couler du lit comme une nappe sanglante.
Les rouges, les orangés, les jaunes somptueux, les  chairs flamboyantes,
la lumière, les contrastes génèrent un sentiment de barbarie.
Le manque d’unité d’action transforme la scène en immense chaos.
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Analyse

L’oeuvre a été exposée au salon ou Ingres expose L’Apothéose d’Homère.
La mort de Sardanapale symbolise le romantisme avec ses couleurs et sa luminosité éclatante.

Ce tableau illustre la querelle entre les romantiques et les néoclassiques incarnés par Ingres.

Contrairement aux néoclassiques chez qui le sujet et le dessin prédominent, Delacroix privilégie l’expression et l’intensité de la couleur, les contrastes et la lumière. au détriment de la ligne et du dessin défendus par Ingres et les artistes académiques.
A la précision du dessin,, Delacroix préfère les larges touches de peinture qui donnent au tableau énergie et mouvement.

V. Hugo fut le seul à ne pas condamner l’absence de mesure, le rejet du beau, la cruauté de la scène contemplée par un tyran esthète loin des exemples néoclassiques de vertu.

Le thème de l’Orient réel ou imaginaire permet à Delacroix d’illuminer la scène de couleurs chaudes ( rouge symbole de violence et de passion) et de montrer des femmes sensuelles, des joyaux et des étoffes soyeuses.
Fasciné par l’Orient, Delacroix visita le Maroc d’où il puisa son inspiration pour de nombreuses œuvres. D’autres sources l’inspireront: la peinture anglaise contemporaine et la peinture classique.
Pour ce tableau on notera
-l’influence de Raphaël avec son Ecole d’Athènes: Sardanapale ressemble à Diogène,
-l’influence de Lebrun avec sa Bataille d’Alexandre : les corps alanguis sont inspirés des ses guerriers
-l’influence de Rubens avec sa Bataille des amazones et son Enlèvement des filles de Leucippe 1828: Delacroix reprend les couleurs chaudes,  la sensualité, le mouvement et l’exubérance.

Conclusion

Baudelaire soutient Delacroix en remarquant que le spectateur trouve chez les femmes du tableau la fascination du crime et l’auréole du martyre.

Ce tableau est une oeuvre de jeunesse.
Dans les tableaux qui suivirent on ne retrouvera pas l’ exacerbation des sentiments et cette outrance.

Delacroix : « Je serai Poussin ou rien. La réussite n’est pas un vain mot »

Avec ses effets de lumières, l’agencement savant et harmonieux des lignes, les splendeurs des décors, Delacroix  a concrétisé son ambition :
C’est le maître de l’Ecole Française.

Dans son journal Delacroix écrit :
 » Les couleurs sont la musique des yeux, elles se combinent comme des notes.. certaines harmonies de couleurs produisent des sensations que la musique elle-même ne peut atteindre ».

Au XXe Kandinsky établira lui aussi une relation entre musique et couleur dans son abstraction Lyrique.