La présentation au temple – 1640-41 – Simon Vouet

 


Vouet (1590-1649)

 

La Présentation au Temple

1640-41
Huile sur toile
Dim 393 x 250 cm

Conservé au musée du Louvre

 

Le peintre

Simon Vouet est un grand peintre français du XVIIe, célébré de son vivant.
Sa carrière se scande en deux temps, une première carrière italienne de 1612 à 1627 (il connaît un grand succès à Rome), suivie d’un règne parisien pendant vingt et un ans, de 1628 à 1649.
En 1628, Simon Vouet revient à Paris et devient le 1er peintre de la Cours. Il loge et travaille au Louvre. Il met en place un important atelier destiné à le seconder dans ses travaux. Atelier où seront formés presque tous les grands peintres de la génération suivante.

On ne peut pas parler de Vouet sans parler de Poussin.
Ils se rencontrèrent en Italie et le retour en France de Poussin généra une rivalité entre les deux maîtres. La gloire de Vouet souffrit de l’arrivée à Paris de Poussin. Poussin prit le parti de retourner en Italie.

 

Le tableau

On ne connait pas le commanditaire, cependant une gravure exécutée par Dorigny et datée de 1641, porte les armes de Richelieu.
Au XVIIe, le tableau ornait le maître-autel de l’église de la maison Professe des Jésuites, rue saint Antoine à Paris (aujourd’hui église saint Antoine- saint Louis). Ainsi l’œuvre aurait été donnée aux jésuites par Richelieu. Et ce sont les frères jésuites qui auraient dicté le programme de La Présentation au Temple.

Le tableau appartenait à un retable qui a été démantelé à la révolution. C’était l’un des plus beaux de Paris, il s’élevait à dix mètres du sol et se composait de quatre niveaux.
Au premier niveau, La Présentation au Temple
Au deuxième niveau, L’apothéose de saint Louis (aujourd’hui conservé au musée de Rouen)
Au troisième niveau, un fronton sculpté avec la figure de Dieu le Père
Au quatrième niveau, un grand crucifix
Le retable était encadré de marbres polychromes et agrémenté dans ses parties latérales de sculptures de jacques Sarazin.

 

L’histoire

La présentation au Temple est un épisode de l’enfance du Christ rapporté par l’Évangile de saint Luc.
« Puis le moment vint pour Joseph et Marie d’accomplir la cérémonie de purification qu’ordonne la loi de Moïse ».
Les parents du nouveau-né se rendirent au Temple pour présenter leur enfant au Seigneur et effectuer le sacrifice de deux tourterelles.
Cette cérémonie suit celle de la circoncision, au cours de laquelle l’enfant a reçu le nom de Jésus. C’est durant cette cérémonie que Siméon qui vient de bénir Jésus, le remet à Marie et, prophétise son avenir à ses parents. Il annonce à la foule que l’enfant apportera la lumière aux païens et à Marie, que son cœur sera transpercé d’une flèche (annonce du sacrifice du Christ).

La tradition orientale célèbre depuis au moins le IVe la fête de la Présentation de Jésus au Temple. À l’origine la fête se célébrait le 14 février, puisque Jérusalem célébrait la nativité de Jésus le 6 janvier (jusqu’au VIe). Les circonstances tragiques qui sont à l’origine du passage du 14 au 2 février sont rapportées dans des documents arméniens, géorgiens et grecs.

 

Composition

La scène se situe en extérieur, sur le péristyle d’un temple, et associe un groupe de personnages à une vision céleste.

Dans un très grand format vertical, la composition s’articule à l’intérieur d’un cadre architectural massif constitué d’un ensemble de colonnes.

Au registre inférieur :
Au premier plan, une envolée de quatre marches, à droite, au bas des marches, en robe rouge, est représentée la prophétesse Anne (saint Luc l’a décrite comme étant « une prophétesse qui survint, se mit à louer Dieu puis parla de l’enfant Jésus à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem »).
De l’autre côté, sur les marches, à gauche du tableau, une foule observe la scène.
Au pied des marches, un bélier de couleur noire (animal de sacrifice et offrande d’usage pour cette cérémonie).
Au second plan, au centre du tableau, la scène est rythmée par les puissantes colonnes corinthiennes et doriques du temple.
Marie est agenouillée à droite, les bras tendus en direction de Siméon qui se penche vers Marie pour lui tendre l’enfant Jésus qu’il porte. L’enfant Jésus est dans l’axe du tableau. Joseph au côté droit et en retrait de Marie porte une cage contenant deux tourterelles.

Au registre supérieur :
Deux anges sont suspendus en haut et à gauche. Ils ne sont pas à la même échelle que les personnages, ils sont beaucoup plus grands et planent au-dessus de la scène. L’un d’eux porte un phylactère avec une inscription latine : « Nunc dimittis servum tuum domine » (Maintenant, tu renvoies ton serviteur, Seigneur).

La composition pyramidale très rigoureuse permet de relier les personnages autour de lignes dynamiques :

Le mouvement ascendant est appuyé par la volée des quatre marches, la verticalité des colonnes et la distribution des personnages en étagement.

Les obliques induites par les regards et les gestes des personnages s’entrecroisent au centre du tableau et conduisent l’œil du spectateur sur l’enfant Jésus. Une oblique passe par les fronts d’Anne, de Marie, de Siméon et du personnage situé dans son dos. Une passe par le bâton d’Anne et l’épaule de l’enfant à gauche au bas des marches. Une passe par le bâton de pèlerin du personnage agenouillé au-dessus du bélier et monte jusqu’aux anges. Une passe par le coude de même personnage, l’enfant Jésus et le visage de Marie.

Les dos de marie et Siméon s’inscrivent dans la pyramide.

Le croisement des obliques génère un effet de mouvement auquel participent les couleurs, les lumières et les volumes.

La couleur sculpte le rendu des étoffes.
Les coloris clairs et chantants ondulent sur les corps et plissent les tissus.

La distribution tranchée d’ombres et de lumières rythme la composition.

Tout est à la fois élégant et solide

 

Analyse

La peinture de Vouet évolue tout au long de sa carrière. Au lyrisme véhément de ses débuts succède une manière plus raffinée avec une inflexion décisive dans les années 1640.  La Présentation au Temple illustre cette inflexion.

Vouet dans La Présentation au Temple reprend l’idée ébauchée dans La Circoncisionde Naples (1622) et mieux développée dans La vêture de saint François de Rome (1623-24), d’une composition organisant plusieurs degrés de personnages reliés entre eux par des mouvements explicitant clairement l’action et la commentant et, plaçant au deuxième plan l’épisode essentiel.

Le choix de La Présentation au Temple de représenter les marches d’un grand escalier fuyantes et non plus frontales confère au tableau une allure à la fois plus monumentale et plus dynamique.
Avec cette mise en scène, le tableau gagne une verticalité considérable.

Comparée à La Circoncision de Naples, mal hiérarchisée (les liens d’un plan à l’autre s’établissent difficilement) et à La vêture de saint François de Rome, La Présentation au Temple est une œuvre totalement maitrisée.

C’est une œuvre dynamique, les échanges de regards et de gestes se lisent aisément. L’organisation souple et forte s’affirme sur le jeu des obliques puissantes. L’une tendue vers la gauche marque la diagonale du tableau. L’autre (passant par le bâton du pèlerin), rétablit un équilibre plastique lumineux.

C’est un tableau très abouti. Le pinceau sûr et discret, la fraîcheur des coloris, l’ordonnance claire et puissante, l’architecture très présente et la lumière précise, ronde, éclatante, sont les composantes de l’évolution du style de Vouet.

La Présentation au Temple est une œuvre majeure de Vouet parvenu à sa maturité et totalement maître de son art.

La Présentation au Temple en 1640, est le troisième retable de Vouet et marque vraiment l’évolution du peintre vers un style plus mesuré, moins
« italien », moins baroque que les deux premiers retables qu’il réalise à son retour à Paris :
-Un premier retable en 1628 pour saint Nicolas des Champs (avec une facture proche des œuvres italiennes)
-Un deuxième retable en 1830 pour saint Eustache (de style baroque)

Avec La Présentation au Temple Vouet passe du lyrisme -sous Louis XIII, au classicisme de la Régence. Ce goût nouveau se retrouve sur les décors qu’il peint pour Anne d’Autriche au Palais Royal.

 

Conclusion

De nombreux artistes renommés de ces années 1640-1650 ont suivi leur formation dans l’atelier de Vouet, attentifs à son sens du trompe-l’œil, son goût du camaïeu, des compositions amples et des perspectives théâtrales.
De La Hyre, Le Brun et Le Sueur, furent de ceux-là. La gloire d’avoir formé ces grands artistes contribua à sa réputation autant que ses propres tableaux.

Dézallier d’Argenville écrit à propos de Vouet : « On peut dire que la peinture en France doit à Vouet ce que le théâtre doit à Corneille ».

Denis Lavalle dit de Vouet : `« Si Le Brun, David ou, d’une certaine façon Delacroix existèrent, c’est qu’il y eut d’abord Simon Vouet ».

Au moment où se fige la peinture italienne, l’évolution de la peinture française portée par Vouet, Poussin et leurs élèves contribue en ce milieu du XVIIe à faire de Paris le centre de l’Art, détournant vers la France l’hégémonie italienne.