L’Angélus -J.F. Millet

Jean-François Millet (1814-1875)

L’Angélus
1857-59
Huile sur toile
Dim. 55,5 x 66 cm
Conservé à Orsay

Jean-François Millet
1814 Naissance à Gruchy en Normandie dans une famille de paysans aisés
1833 Il étudie la peinture à Cherbourg
1837 Il s’inscrit aux Beaux- Arts à Paris
1842 Il commence à exposer au Salon
1847 Œdipe  détaché de l’arbre par un berger est remarqué par les critiques
1848 Il expose Un Vanneur c’est sa première œuvre inspirée par le travail paysan
1849 Il s’installe à Barbizon
1850 IL commence la série des tableaux champêtres avec Les Botteleurs
1867 Il présente L’Angélus à l’Exposition Universelle à Paris
1870 Les Prussiens envahissent la France, Millet retourne à Cherbourg
1872 Il revient à Barbizon où il travaille davantage les jeux de lumière signant un travail annonciateur de l’Impressionnisme.
1875 Il meurt à Barbizon. Sa maison deviendra un musée.

Introduction

L’Angélus ou prière de l’ange est composé de trois fois deux vers entrecoupés d’un « je vous salue Marie ». Traditionnellement depuis un décret du roi Louis XI en 1442, tout bon chrétien qui se respecte s’arrête de travailler trois fois par jour: à 6H, à midi et à 18H. pour se recueillir et réciter l’Angélus. Cette prière a lieu au son d’une cloche qui sonne trois fois trois coups espacés pour laisser le temps de réciter chaque verset puis une sonnerie à la volée.
L’Angélus est encore sonné dans certains villages.
J-F. Millet peint un souvenir de jeunesse: enfant il vivait avec sa Grand-mère qui cessait de travailler dès qu’elle attendait les cloches au loin.
Millet dit de ce tableau :
« L’Angélus est un tableau que j’ai fait en pensant comment, en travaillant autrefois dans les champs, ma Grand-mère ne manquait pas, en entendant sonner la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l’Angélus. »
La scène se déroule à la fin du XIXe au début de la révolution industrielle. Ce tableau est un témoignage des pratiques du temps passé, empreint de nostalgie et d’une grande piété.
Millet s’attache à représenter avec réalisme et délicatesse un aspect de la vie quotidienne des campagnes de son temps.

Description

L’Angélus représente deux paysans en prière : un homme et une femme dans un champ. Le couple est isolé au milieu d’une morne plaine déserte. Apparaissant en contre-jour, on ne peut distinguer les traits de leurs visages. Leur attitude est humble. À la gauche du tableau et de l’homme une fourche est plantée droite dans le sol. À la droite du tableau et de la femme est garée une brouette sur laquelle sont empilés des sacs de pommes de terre. Au milieu du tableau, posé sur le sol aux pieds des paysans, un panier contenant des pommes de terre.
Dans la partie supérieure du tableau où le ciel prend tout l’espace, on distingue le clocher d’un village.

Composition

Le tableau est séparé en deux parties horizontales : la terre qui occupe les 2/3 du tableau et le ciel.
Le tableau est coupé en trois parties verticales : le côté de l’homme, le coté de la femme et le centre. L’homme et la femme se trouvent sur les lignes de force du tableau.
Les verticales de la fourche et des sacs de pommes de terre sur la brouette soulignent la dureté du travail de la terre pour se nourrir.
Le peintre a choisi des couleurs chaudes avec le jaune, l’ocre et le marron. Cette palette de couleurs est mise en valeur par les touches de bleu et de vert qui se reflètent sur les vêtements des paysans.
Le tableau est très lumineux : l’unique lumière qui émane du ciel ricoche sur le sol, sur la jupe et le tablier de la paysanne. Le rougeoiement du ciel est la luminosité du coucher de soleil. Il situe la scène aux alentours de 18H.
Le ciel est doux, légèrement nuagé, en opposition avec la terre cultivée et retournée par l’arrachage des pommes de terre.
Millet travaille les jeux de lumière, la pénombre et le clair-obscur.
Ces effets préfigurent l’Impressionnisme.

Analyse

Millet a choisi de placer ses personnages au premier plan et symétriquement.
Il fait ressortir la dureté du travail des champs et la dévotion des paysans.
Cette présence lumineuse du ciel relie les paysans à la prière.
C’est la collision de deux mondes : le temporel dans lequel l’homme doit travailler dur et l’intemporel, celui dédié à Dieu.
Cette toile représente la France de la terre, du travail en famille et de la prière.

Elle fut exposée en 1869 au moment où la révolution industrielle commençait à bouleverser le quotidien des français.
De ce fait, cette œuvre est devenue le symbole de la France éternelle, la France paysanne.

Histoire du tableau

Pourquoi le tableau illustre-t-il les paquets de sucre et les boites de chocolat ?
C’est pour compenser sa disparition !
En effet les gravures sont éditées en France au moment où le tableau par aux États -Unis, à la suite d’une vente aux enchères en 1889.
Le gouvernement français souhaitait acquérir la toile pour le Louvre. Les américains la voulaient. L’opinion s’enflamma, les quotidiens titrèrent :
« ce tableau est devenu une œuvre nationale ».
Pour acquérir la toile la somme demandée fut de 553 000 francs. Où trouver cette somme ? À l’Assemblée les députés proposèrent une souscription nationale, les membres de la droite royaliste s’y opposèrent. Pour eux, L’Angélus portait un message politique : les deux paysans qui prient à coté de leur maigre récolte symbolisent le peuple pauvre et travailleur, un écho à la lutte des classes.
Millet lui même d’origine paysanne n’imaginait pas un tel engouement et s’est toujours défendu de faire de la politique.
La postérité en a décidé autrement.

Son œuvre a également eu un impact chez les artistes.
Notamment Salvador Dali qui était un grand admirateur de L’Angélus.
Il écrivit un livre : « Le mythe tragique de L’Angélus de Millet » et peignit deux tableaux : L’Angélus architectonique de Millet et Réminiscence archéologique de l’Angélus de Millet.

Cheminement de l’œuvre 

En 1860 L’Angélus est dans la collection d’Alfred Feydeau. Le tableau passe de collections particulières en collections particulières jusqu’en 1889.
En 1889 il est vendu aux enchères et acheté par les américains. Un an plus tard ils le revendent au collectionneur français, Alfred Chauchard.
Celui-ci le lègue à sa mort à l’état qui l’attribue au musée du Louvre en 1909.
En 1986, L’Angélus est transféré au musée d’Orsay.

Conclusion

C’est à ses œuvres champêtres comme Les Glaneuses, La Récolte de pommes de terre et L’Angélus que J-F. Millet doit la gloire.
Ses maîtres à penser sont Poussin, Michel-Ange, Delacroix.
Millet fait partie des rares peintres ayant connu le succès de leur vivant.

Après la guerre de 1870 les scènes paysannes de Millet servent à nourrir l’image d’une France profonde et immuable.
Cette oeuvre doit sa popularité au fait qu’elle parle à tous, icône du travail ou de la famille ou de la dévotion.
L’Angélus est l’une des toiles françaises les plus connue au monde.

Ces compositions représentant des travailleurs des champs en harmonie avec la nature trouvent aussi un écho dans nos sociétés actuelles portées vers l’écologie.