Le baptême du Christ – 1303-1306 Giotto

 

Giotto (1266-67 – 1337)

 

Le baptême du Christ

1303-1306
Fresque numéro 23 dans un ensemble de 53 fresques qui décorent l’intérieur de la chapelle.
Dim 200 x 185 cm

Église de l’Aréna à Padoue, chapelle Scrovegni

 

Au Moyen Âge, l’Italie conserve avec l’Empire byzantin des liens politiques et culturels étroits qui ont une influence sur son art. Rigides et stylisées, les figures religieuses sur fond doré se caractérisent par une série de lignes en guise de drapés et un espace résolument plat.

À la fin du XIIIe plusieurs maîtres révolutionnent la peinture en apportant mouvement et volume à leur personnages. Ils ajoutent de la profondeur à leurs compositions et introduisent de l’émotion. Parmi ces artistes pionniers figurent Cimabue et son élève Giotto, tous deux florentins.

 

La chapelle Scrovegni

Héritier d’une riche famille de banquiers de Padoue, Enrico Scrovegni souhaite assurer le salut de son âme. Estimant que son argent nuit à son image spirituelle, il décide d’y remédier.
Dans L’enfer (chant XVII, 43-78), Dante immortalisa Reginaldo, le père d’Enrico, sous les traits d’un usurier notoire et infâme. Enrico devenu banquier à son tour, se demande si ses activités ne vont pas l’envoyer droit en enfer. Pour expier ses péchés, il fait ériger une chapelle dédiée à la Vierge Marie et charge Giotto de peindre des épisodes de la vie de la Vierge et du Christ à l’intérieur, ainsi qu’un immense tableau représentant le Jugement dernier au- dessus de l’entrée.

Commencée en 1302, la chapelle est consacrée en 1305.

Les peintures de Giotto occupent toute la surface des murs de l’édifice, jusqu’au plafond en coupole. Elles évoquent de l’Annonciation à la Rédemption et au Jugement dernier, les événements marquants de la vie du Christ.

 

La fresque

Inscrite dans un rectangle, c’est une scène d’extérieur, représentant un épisode de l’histoire terrestre du Christ : son baptême.

 

Composition

C’est une composition rigoureusement symétrique.
Le Christ, personnage principal, occupe l’axe central de la peinture.
Les lignes verticales rythment le tableau et le découpent en trois parties :
Sur la gauche et la droite du tableau se dressent deux rochers identiques, en forme de triangle, qui occupent les ¾ de la hauteur de la peinture de part et d’autre.
Sur les rochers se tiennent deux groupes de personnages liés par leurs regards tournés vers le centre du tableau vers le Christ. Ils sont représentés de profil.
À gauche de la peinture, sont représentés quatre anges, les deux anges au premier plan tendent des vêtements au Christ, par ce geste Giotto « humanise » ses personnages.
À droite de la peinture, Saint Jean-Baptiste au bord du rocher est penché vers Jésus, son bras droit tendu dans un geste de bénédiction. Deux autres personnages sont représentés sur le rocher : un saint et une femme. Elle est la seule à ne pas être couronnée d’un nimbe doré.

La répartition des personnages sur les rochers crée des lignes de force qui donnent de la profondeur à la scène et suppléent à l’absence de perspective.

Les deux rochers dégagent un espace central.
Cet espace s’articule en deux parties : le Jourdain coule dans la partie inférieure du tableau ; la partie supérieure est la voûte céleste illuminée en son centre, par une grande tache de lumière -le saint Esprit, dans laquelle surgit Dieu un livre à la main.

Giotto illustre un passage du nouveau testament -Luc 3-22 : « … le ciel s’ouvrit, et l’Esprit-Saint descendit sur lui … et du ciel il y eut une voix : « Tu es mon Fils bien-aimé : en toi j’ai mes complaisances ».

Si le Christ semble figé il affiche un visage superbe et serein.

Le peintre confère de la solennité à la scène avec les gestes et la retenue des figures aux proportions humaines, drapées dans leurs manteaux de couleur.

La couleur bleue est omniprésente dans la chapelle. Elle couvre mur et plafond. Dans Le baptême du Christ, elle est en toile de fond.

Malgré la présence de couleurs froides le bleu de la voûte et le vert du Jourdain, retrouvés sur les vêtements des personnages qui accompagnent Jean-Baptiste, ce sont les couleurs chaudes, rouge, rose, ocre (pour les rochers) or   qui dominent et nimbent le tableau de quiétude.

La source lumineuse éclabousse le haut du tableau. Elle provient du jet de couleur blanche symbolisant l’esprit Saint. La lumière projette des ombres sur les rochers et cisèle leurs contours. Les ombres marquées creusent les plis des vêtements, insufflent de la vie aux personnages et dessinent le corps du Christ.

Cette lumière adoucit le dessin et diffuse une atmosphère douce.

La technique de la fresque nécessite une grande habileté, Giotto doit peindre rapidement entre la pose de l’enduit et son séchage complet. Il ne peut pas reprendre ses figures, les repentirs sont impossibles.

 

Analyse

Giotto a un sens pictural du réel.

Une grande sobriété se dégage de ce tableau.
Pas de décor superflu, la nature est représentée succinctement par deux éléments, les rochers et l’eau.
La nature est peinte pour servir les personnages
Les rochers sont en retrait et mettent en scène les figures qui se détachent sur le devant de la peinture. Leur gestuelle et leurs regards les rendent très expressifs.

Le jeu des obliques donne de la profondeur et du relief au tableau et compose un décor théâtral.

L’éclairage du tableau provenant du milieu de la partie supérieure est représenté par l’effet de raccourci. Il communique un rythme et une puissance au tableau. Il symbolise l’esprit Saint et inonde le tableau de lumière.

Giotto confère à la scène un grand réalisme tout en évoquant la voûte céleste.

La scène de Giotto est d’un réalisme remarquable en ce début de XIVe.

Les personnages religieux ressemblent à des êtres vivants évoluant dans un espace réel.

Giotto bouleverse véritablement la peinture avec des personnages plus volumétriques que linéaires au sein d’une scène narrative. Le peintre excelle dans la représentation des relations humaines.
Ses figures qui ont une présence psychologique.
Ce sont des êtres vivants aux rapports intenses, qui réfléchissent et ressentent des émotions.

Par le traitement de l’architecture et du paysage, les peintures de Giotto sont remarquablement innovantes.

Giotto a transformé des récits bibliques en événements poignants où les personnages ont un caractère bien défini dans un environnement identifiable.

Cette représentation du baptême de Christ, évoque l’union entre le divin, Dieu représenté dans le ciel, et l’humain, Jésus immergé dans le Jourdain recevant le baptême de Jean-Baptiste.

Dieu de sa main désigne son fils indiquant qu’il lui remet le salut pour l’humanité. Jésus tend les mains vers Jean- Baptiste et les hommes présents au bord du fleuve.

Dans la peinture de Giotto, le divin s’exprime à travers les événements quotidiens de l’homme.

C’est l’époque où les franciscains et les dominicains cessent de prêcher en latin pour se rapprocher de la foi du peuple.

Giotto, dans la mouvance des mouvements intellectuels et religieux du XIVe, cherche dans sa peinture à mettre en avant la présence divine au cœur du monde.

Dans la chapelle, il y a 3 registres de peintures murales :
En haut, les vies des grands-parents et des parents du Christ
Au centre, son histoire terrestre
En bas la passion et les événements qui suivent sa mort
Le tableau du baptême du Christ est le numéro 23 dans la bande centrale.

L’unité du récit est assurée par la perspective bifocale qui ordonne la structure et unit les deux murs de la chapelle en un schéma coordonné de lignes diagonales. Le spectateur peut déchiffrer les scènes et comparer son point de vue à celui présenté sur les murs.

Sur chaque panneau, architecture et paysage s’étendent ensemble en profondeur, ce qui renforce la cohérence de l’œuvre.

 

Conclusion

Les personnages de Giotto expriment des sentiments profonds et occupent tout l’espace.

Les contemporains de Giotto respectent son talent. L’historien florentin Giovanni Villani rapporte que Giotto est « un maître de peinture, souverain en son temps, qui dessine toutes ses figures et leurs poses d’après nature ».

Sa renommée est telle que deux cents ans plus tard, Giorgio Vasari écrit « Il a rompu définitivement avec un style byzantin traditionnel pour donner vie à ce grand art qu’est la peinture telle que nous la connaissons aujourd’hui en introduisant le dessin d’après modèle réel, une pratique négligée depuis plus de deux cents ans ».

Chez ses successeurs :
Piero della Francesca Baptême du Christ – 1448-1450
Léonard de Vinci Baptême du Christ – 1472-1473
On retrouve l’éclairage venant du haut de la toile, les couleurs délicates et la figure du Christ au centre.

C’est la sobriété de la nature, comme la dignité et la simplicité de ses personnages qui témoignent de l’art de Giotto, et qui en font un peintre virtuose à transmettre les émotions.

C’est en cela qui se distingue des chefs d’œuvre de l’art antique.

Ses fresques de la chapelle Scrovegni sont considérées comme l’œuvre de Giotto la plus significative.

Elles sont l’un des principaux chapitres de l’histoire de la peinture européenne.