Le lapin psychotique

 

 

Ce lapin, c’est Jack Nicholson dans Shining de Kubrick -1980 !

Le moine copiste devait s’ennuyer ferme lorsqu’il a peint ce lapin dans la marge d’un manuscrit médiéval.

Plus sérieusement, dans les manuscrits médiévaux les deux aspects du monde, l’un pieux et sérieux et l’autre comique cohabitaient.
Il y avait le lieu de la lecture et la marge pour se distraire.

Les pages des manuscrits des XIIIe et XIVe comportent, côte à côte, des enluminures pieuses illustrant le texte et des séries de dessins de chimères d’inspiration libre, sans rapport avec le texte.

Ces images de fantaisie existent mais ne fusionnent pas avec les images pieuses. Elles fonctionnent les unes par rapport aux autres à l’intérieur d’une même page, ou bien à travers une chaîne de motifs qui se répondent tout au long du livre.

L’incongruité de l’art des marges ne s’adresse pas à notre imagination comme le feront plus tard les rencontres fortuites dans les tableaux d’artistes comme Magritte ou Ernst.
Les images des situations humoristiques ou irrévérencieuses des manuscrits médiévaux ont un rôle de distraction comme le font les petits monstres qui sillonnent les écrans des jeux vidéo.

Ces singeries,  comme on en voit dans le manuscrit de Heures de Marguerite (XIVe) se retrouvent dans les bordures des vitraux de la même époque, à la cathédrale de York ou sur les aubes liturgiques faites pour l’abbaye de Westminster.

Pourquoi ces hauts commanditaires étaient-ils fascinés par ce monde simiesque ivre et titubant dans les marges de leurs vies bien réglées ?

Les marges étaient  le siège de forces puissantes.
Le passage de l’hiver à l’été ou du jour à la nuit était un dangereux moment de chevauchement avec l’autre monde.

Les enlumineurs peignaient les créatures qu’ils s’attendaient à rencontrer aux confins du monde crée par Dieu.

Celui qui a peint le lapin n’avait pas la conscience tranquille !

Dans un premier temps le scribe et l’artiste ne font qu’un, le scribe enlumineur monastique du VIIIe était un personnage révéré.
À partir du XIIIe l’enlumineur intervient après le copiste, ce sont des professionnels payés à la page.
Le scribe suit la réglure des lignes.
Et l’enlumineur réalise les images des marges, en leur assignant la place délimitée par les règles qui régissent cet espace ludique.

À la fin du XIIIe tous les textes ont leurs marges illustrées.
Les bibles, les livres d’heures, les romans sont remplis d’annotations visuelles.

Revenons à notre lapin
Quelle est sa signification ?

L’image ci-dessus est extraite du bréviaire de Renaud de Bar (XIVe)
Une compagnie de chiens monte l’assaut d’un « château d’amour » gardé par des lapins. Ces chiens symbolisent une tentative de conquête friponne.
Le lapin est associé au sexe féminin.

Alors le lapin brandissant une hache… à vous de voir !