Le verrou – Fragonard

J.H. Fragonard (1732-1806)

 

Le Verrou
1773-74
Huile sur toile
dim. 73 x 93 cm
Conservé au Louvre

Fragonard est un peintre d’Histoire, de Genre et de Paysages.
IL commence son apprentissage avec Chardin puis devient apprenti dans l’atelier de Boucher. Il se spécialise dans les scènes galantes.
1756, il part à Rome.
1761, il rentre en France après un périple qui l’amène à Florence, Bologne et Venise.
1765, il entre à l’Académie Royale avec son tableau Corésus et Callirhoé.
Il abandonne le genre classique pour des peintures de cabinet qui obtiennent un grand succès auprès de la cour de Louis XV.
1793, il devient membre de la commune des Arts, puis devient l’un des conservateurs du musée du Louvre.
1805, il est expulsé du Louvre comme tous les autres artistes en vue de la réorganisation de l’édifice en musée Napoléon.

Tableau de la période classique appartenant au style rococo et peinture de Genre. Le Verrou est le tableau le plus célèbre de Fragonard
C’est une véritable référence de la peinture du XVIIIe

Le tableau est une commande du marquis de Véri qui demande à Fragonard une scène de séduction.

Composition 

Le peintre peint deux amants enlacés dans une chambre à coucher où le lit prend toute la place. L’homme en sous-vêtements est dressé, le bras droit tendu vers le verrou pour le fermer. La jeune femme tente de l’empêcher. Dans un mouvement de corps contradictoire, de sa main gauche elle tente de retenir le loquet tout en se courbant en arrière pour éviter les lèvres de l’homme, son effort est vain, le verrou est scellé, son sort aussi.

La toile s’organise en deux parties distinctes, opposant du coté droit le couple dans la lumière et du coté gauche, le lit et ses tentures dans la pénombre.
Cette composition est matérialisée par une diagonale soulignée par un jet de lumière qui part de la pomme en bas à gauche du tableau pour atteindre le verrou en haut à droite du tableau.
Le tableau ainsi découpé, offre une mise en scène théâtrale.
S’inspirant de la technique de Rembrandt, Fragonard peint un clair-obscur aux tons chauds (rouges, jaunes, bruns et blanc crémeux).
La lumière est posée sur les personnages, c’est une lumière extérieure.

Dans L’adoration qui est le pendant du Verrou, le tableau est découpé par une diagonale avec une partie sombre et une partie dans la lumière en respectant les règles du clair-obscur et en reprenant une composition identique au Verrou  avec une différence d’éclairage.
Dans  L’adoration des Bergers la lumière est intérieure au tableau, elle émane du Christ.

L’oeuvre est structurée en deux espaces, le coté droit dans l’action présente les faits, le coté gauche occupé par le lit foisonne d’éléments symboliques interprétant l’action. Il y a la pomme symbole de la tentation, les formes et la couleur rouge des tentures, les coussins qui suggèrent les contours d’une poitrine, la rose sur le lit et le petit bouquet de fleurs au sol à droite du tableau évoquent la virginité, enfin le verrou incarne le désir masculin.

Héritier de Watteau, Fragonard prépare l’oeuvre peinte, avant d’être un tableau le Verrou est dessiné en 1777 puis  devient populaire en 1784 gravé par Blot.

Dans sa technique de peinture, il suit l’exemple de Boucher.
Après avoir fait l’ébauche du sujet par un dessin, Fragonard emploie une sous-couche d’impression rouge ou grise, avant d’appliquer la peinture en plusieurs couches superposées.

Analyse

Cette peinture représente une scène galante où une femme résiste faiblement aux ardeurs de son amant.
Illustrant la passion du couple, c’est un véritable symbole de l’esprit libertin du XVIIIe.

Deux interprétations :
Pour D. Arasse, le Verrou illustre la force de l’amour et du désir
Pour J. Thuillier le Verrou symbolise la tentation.

Scène de Genre ou tableau moralisant quelque soit le sens qu’on lui donne le tableau est en rupture avec les oeuvres précédentes du peintre.

C’est un tableau narratif, Fragonard place le spectateur dans une position de témoin.
Tous les mouvements sont orientés vers le verrou.
Cette scène est une incarnation de la passion amoureuse.
Savoir si l’acte d’amour a été consommé ou non est le principal débat concernant l’oeuvre,
Quelques années après la présentation du Verrou sont édités Les liaisons dangereuses de Laclos.
Le tableau illustrera le livre, c’est l’esprit libertin qui a été retenu après la présentation du Verrou et ce, jusqu’à ce jour.

le Verrou étant un tableau de commande pour servir de pendant à L’adoration des Bergers, un tableau religieux peint quelques mois plus tôt.
Les intentions de Fragonard dans le Verrou n’illustreraient pas un esprit libertin et seraient d’ordre moral.

Fragonard a conçu un oeuvre ambigüe.
Il est l’un des peintres majeurs de l’ère galante de la fin du XVIIIe, le siècle de la séduction et de l’intrigue amoureuse.
S’il doit sa réputation à ses tableaux de boudoirs, il fut aussi un peintre de sujets religieux mettant en scène l’enfant Jésus.

Etait-il sensible au retour en grâce de la moralité?
Le pendant du Verrou, L’adoration aux Bergers montre sa volonté d’illustrer l’amour sacré et religieux

Souhaitait-il dénoncer le libertinage de l’aristocratie qui choquait le peuple?
Dans ce cas l’association de L’adoration des Bergers serait une mise en opposition de l’amour divin et de l’amour charnel.