Les Époux Arnolfini – 1434 Jan Van Eyck

 

Jan Van Eyck (1395-1441)

 

 Arnolfini et sa femme

 1434
Huile sur panneau
Dim 82,2 x 60 cm

Conservé à la National Gallery à Londres

 

Le peintre

Jan van Eyck connut le succès de 1425 à sa mort, en tant que peintre et courtisan de Philippe le Bon, duc de Bourgogne.
Le duc l’appréciait tant, qu’en 1435, en pleine crise financière, il refusa que son trésorier réduise le salaire du peintre.

Les maîtres flamands étaient reconnus dans toute l’Europe pour leur art de la peinture à l’huile et leur capacité à représenter objets et cadres dans leurs moindres détails. Van Eyck est influencé par l’humanisme naissant. Il montre les êtres humains vivant dans un cadre réel et entourés d’objets tangibles.

 

 

Le tableau

Ce tableau est une des premières œuvres à avoir pour sujet des bourgeois.
Giovani Arnolfini était un marchand de Lucques qui vivait à Bruges au sein d’une communauté italienne d’hommes d’affaires et de banquiers.
Bruges est un grand centre commercial de l’Europe du Nord. Elle fait partie du vaste ensemble territorial placé sous l’autorité des Ducs de Bourgogne.
Négociant en tissu il fournissait les soies et les velours de Philippe le Bon.
Van Eyck l’a représenté dans un intérieur avec sa femme, Giovanna Cénami.
Sur le mur, au-dessus du miroir, il a signé l’œuvre d’une inscription élaborée :
« Jan Van Eyck fut là »

 

 

Composition

Giovanni Arnolfini et son épouse sont représentés en pied.
Les deux époux se tiennent avec raideur
L’homme tient la main droite de sa jeune épouse dans sa main gauche, tout en levant la main droite en un geste de serment.
Il est face au spectateur son visage est discrètement tourné vers son épouse, mais il ne la regarde pas
La femme a le corps et le visage tournés en direction de son époux et le regard baissé.
Si les deux époux ne se regardent pas, le spectateur a cependant la perception d’un lien mystérieux qui les unis.

C’est la chambre d’un intérieur bourgeois, confortablement meublée.
Lui porte un pourpoint noir, une huque en velours violet foncé richement ourlée de fourrure et un chapeau de paille noir.
Elle porte une robe bleue dont seules les manches et un pan de la jupe sont visibles sous un ample surcot vert bordé d’hermine, serré à la taille par une ceinture rouge. Elle ramène la traîne de son surcot sur son ventre en la tenant de sa main droite. Son front est épilé très haut, ses cheveux sont relevés en cornes, selon les dictats de la mode,  et couverts d’un foulard de soie blanche bordé de dentelle.

Le tableau est distribué en deux parties rigoureusement symétriques qui prêtent à la scène un aspect très solennel.

Le tableau est traversé par une médiane verticale reliant le lustre au miroir et au petit chien du premier plan. La verticalité du tableau est prononcée par la représentation en pied des personnages.

Le peintre a construit ainsi une profondeur progressive soulignée par les lattes du plancher. L’œil du spectateur d’abord attiré par les personnages voit au premier plan le petit chien puis s’enfonce dans le tableau intrigué par le reflet du miroir convexe.

Van Eyck exprime les caractères avec une technique très sûre et une extrême minutie. On distingue chaque pli des tissus, chaque reflet sur les bracelets portés par les deux personnages, chaque sculpture du mobilier, ainsi que les minuscules personnages dans le miroir. On observe également le travail sur les poils du petit chien.
Van Eyck applique systématiquement plusieurs couches de glacis à l’huile teintée, créant une surface à l’aspect huilé, à la fois profonde et translucide.
Son coup de pinceau est si fin qu’il était invisible et son tableau paraît à la fois gigantesque et microscopique.

La lumière du jour entre dans la chambre par deux fenêtres, l’une visible sur la partie gauche du tableau (laisse apercevoir le feuillage d’un arbre fruitier) ; la deuxième (réfléchie sa lumière sur les socques) au premier plan du tableau à gauche, le spectateur la voit dans le reflet du miroir.
Cette lumière du jour à laquelle s’ajoute la lumière de la bougie baignent le tableau dans une atmosphère douce et chaude.

 

Analyse

Ce tableau ne peut être classé ni comme un portrait ni comme une composition religieuse, car il est les deux à la fois.

Tout en immortalisant Giovanni Arnolfini et Jeanne Cenami, il glorifie le sacrement du mariage.

Selon le droit canon, le mariage consiste en une prestation de serment et ce serment exige deux actes : celui de joindre les mains et, de la part du fiancé celui de lever l’avant-bras droit.

De nombreuses représentations du XIVe et XVe -comme le mariage de David et Mical ou celui de Persée et Andromède témoignent de ce rite.

C’est ce rite que décrit le double portrait de van Eyck, confirmé par la présence du cierge unique brûlant sur le lustre.

La scène se passant en plein jour, l’éclairage inutile du lustre induit l’interprétation religieuse :
L’unique chandelle allumée du lustre ouvragé fait référence à la présence du Christ bénissant leur union.

Le cierge allumé est le cierge de mariage et le symbole du Christ.

Ce tableau diffère des représentations traditionnelles de cérémonies de mariage, par ce que les époux sont ne sont pas accompagnés.
Selon le dogme catholique, le mariage est le seul sacrement qui ne soit pas dispensé par un prêtre (jusqu’au concile de 1563 à partir duquel l’église exigea la présence d’un prêtre et de deux témoins).
En demandant à Van Eyck de représenter la scène à l’instant de l’échange de leurs promesses dans la sainte intimité de la chambre nuptiale, l’argument d’Erwin Panofsky est que les époux obtiennent avec ce tableau un double portrait et un certificat de mariage.

Au XVe les peintres n’avaient pas pour habitude de signer leurs œuvres.
La formule apposée par Van Eyck au-dessus du miroir – tout à fait inhabituelle, prend toute sa signification.
Le peintre, en qualité de témoin a écrit : « jan Van Eyck fut ici ».

Le reflet du miroir est une réplique de la scène dans son entièreté, du sol au plafond -ou presque, puisque Van Eyck ne représente pas les mains jointes des époux et que le chien a disparu (serait-ce un message caché…) et nous dévoile la présence de deux personnes, une habillée de rouge, la deuxième de bleu, peut-être le peintre et un second témoin.

Une atmosphère de mystère et de solennité baigne cette scène.

Le décor sous les apparences d’un intérieur bourgeois cossu et en réalité une chambre nuptiale et tous les objets qui y figurent sont signifiants :
Les perles de cristal du patenôtre (chapelet) accrochées au mur et le cadre du miroir orné de dix minuscules scènes de la Passion, sont les symboles de la pureté maritale.
Les fruits frais posés sur le rebord de la fenêtre et le meuble rappellent le péché originel.
La petite statue de sainte Marguerite qui surmonte le dossier de la cathèdre placée près du lit, invoque la sainte patronne de l’enfantement.
Le petit chien est l’emblème de la fidélité conjugale.
Les socques déchaussés dans l’angle gauche du tableau sont là pour rappeler la nature sacrée du mariage

Les couleurs :
Le rouge annonce l’enfantement et l’intimité du foyer
Le vert est synonyme d’espérance
Le bleu évoque la fidélité

Dans cet œuvre Jan Van Eyck démontre comment le principe de symbolisme peut abolir les frontières entre le portrait et la scène narrative, entre l’acte sacré et l’acte profane.

 

Conclusion

L’année du tableau, en 1434, Jeanne Cenami est défunte, dès lors il faut considérer le tableau comme une reconstitution plutôt qu’une représentation du monde visible.

Ce double portrait est une création de la Renaissance et témoigne de l’intérêt de van Eyck pour l’individu.

Ce tableau montre que la Renaissance rayonne dans toute l’Europe et n’est pas l’apanage de l’Italie.

Héritier du maître de Flémalle (Robert Campin), Jan Van Eyck est resté étranger à l’italianisme du XIVe.

Le peintre éprouvait une sympathie instinctive pour le style International. Il sut s’en dégager par un processus d’assimilation qui lui permit de le dépasser.

Et si cette œuvre garde tout son mystère quant à l’identité des personnages qui est sujette à controverseIl n’en est pas moins un joyau artistique magnifiquement conservé qui fait partie de la mémoire de la civilisation occidentale du XVe.