L’étreinte – Egon Schiele

Egon Schiele (1890-1918)

 

L’étreinte

1917
Huile sur toile
Dim 100 x 170 cm

Conservé au Palais du Belvédère à Vienne

 

Sujet 

Un couple enlacé semble absorbé et oublieux du monde extérieur, comme une référence au Baiser de Klimt.

 

Composition

Un  plan :
Les amants sont allongés sur un drap lui-même posé sur une couverture.
Ils sont cadrés très serrés.
Le spectateur a une vue en plongée sur leurs corps emmêlés, suivant chacun une diagonale qui traversent la toile et se rejoignent dans l’abondante chevelure de la femme.

Les amants occupent pratiquement toute la surface du tableau, leur position forme un triangle. La diagonale de la femme est initiée par sa jambe gauche celle de l’homme par son dos saillant, la cuisse gauche de l’homme ferme le triangle.

Ces lignes de force conduisent le regard du spectateur- qui s’arrête sur le flanc de la femme occupant le centre de la composition et impulsent une grande énergie au tableau, l’énergie du désir.

Si les personnages de Klimt sont idéalisés, ceux de Schiele sont contorsionnés et pâles.

La femme est écrasée sous le poids de l’homme.

Seul élément décoratif dans ce tableau, les cheveux des amants qui s’entremêlent en une arabesque sensuelle typique de l’Art Nouveau.

La palette de couleurs est réduite, marron-terre de sienne pour le corps de l’homme, beige-terre de sienne pour la femme, jaune pâle- terre de sienne pour la couverture.

Cette palette met en contraste le noir des cheveux.

La peinture est appliquée en très fines couches et les contours sont surlignés de noir.

C’est le dessin sous-jacent qui fait saillir sous la peau les muscles et la colonne vertébrale de l’homme et qui confère une tridimensionnalité au sujet.

Le blanc froid et cassant du drap éclaire le tableau en mettant en lumière les couleurs des carnations et de la couverture.

 

Analyse

Egon Schiele peint la condition humaine

Face à des mœurs sévères, Schiele expose une nudité crue, loin des représentations académiques.

Bien que chétifs et esthétiquement repoussants, les corps expriment avec honnêteté le désir humain empreint d’intimité et d’affection.

Derrière ces corps dépouillés et vivants, le spectateur voit les cadavres qu’ils seront.

La beauté n’est pas dans la représentation des amants mais dans l’enlacement des corps très nus, maigres et décharnés, aspirés l’un vers l’autre.

Les corps ont la couleur de la mort et suintent de détresse et de désir.

Cette gestuelle extrême en retranscrivant les émotions des amants crée un malaise chez le spectateur.

Explorer les corps, dévoiler leurs faiblesses et leurs détresses est le moyen pour Schiele, d’exorciser ses combats intérieurs.

L’étreinte, dérangeante au prime abord, permet au spectateur de percevoir l’incertitude et la fragilité humaine.

Ces émotions allaient devenir cruciales à l’aube de la Première Guerre mondiale.

 

Conclusion

C’est par l’intermédiaire de Klimt, son aîné et maître, qu’Egon Schiele découvre les ateliers d’artisanat d’art liés à la Sécession.

La renommée d’Egon Schiele s’accroit progressivement.
En 1913 et 14 il participe à de nombreuses expositions internationales : Budapest, Munich, Berlin, Bruxelles, Paris, Rome…

Egon Schiele est familier de l’œuvre de Freud et ses tableaux illustrent fréquemment les notions de refoulement et de désirs cachés.

Le 5 janvier 1918 Klimt décède.
Schiele organise à sa place la 49èmeexposition de la Sécession.

L’exposition est un succès, Schiele vend ses œuvres et obtient des commandes de portraits. Il n’aura pas le temps de tous les réaliser, foudroyé par la grippe espagnole à l’âge de 28 ans, le 31 octobre 1918.

Dans les œuvres d’Egon Schiele comme dans celle de Klimt, le spectateur perçoit la vie émotionnelle qui prendra une place centrale dans le Surréalisme et dans l’Expressionnisme -auquel Egon Schiele est lié.