Scènes des massacres de Scio -Delacroix 2

Eugène Delacroix (1798-1863)

Scènes des massacres de Scio :
Famille grecques attendant la mort ou l’esclavage.
1824
Huile sur toile
Dim. 419 x 354 cm
Conservé au Louvre

Eugène Delacroix

1798 Delacroix nait à Charenton Saint Maurice
1806 Décès de son père
1814 Delacroix est orphelin à 16 ans
1819-20 Ses premiers travaux de peinture sont des décors de dessus de porte dans des hôtels particuliers de Paris
1819-1821 Ses premiers tableaux sont deux retables La Vierge des moissons pour l’église St. Eutrope d’Orcemont 1819 et La Vierge du sacré Coeur pour la cathédrale d’Ajaccio 1821
1822 Premier succès au Salon Officiel avec le tableau La Barque de Dante
1825 Voyage en Angleterre. Il se familiarise avec la technique de l’aquarelle et découvre le théâtre de Shakespeare. Delacroix trouvera des sujets dans le théâtre et les mêlera tout au long de sa carrière aux thèmes orientaux
1827 Delacroix présente la mort de Sardanapale unanimement rejeté par la critique.
1830 Delacroix écrit des articles de critique d’Art, dont un sur Raphaël et un autre sur Michel Ange.
1831 la Liberté guidant le peuple est présenté au salon
1832 Delacroix voyage en Andalousie, au Maroc et en Algérie
1840 Il participe à la décoration du palais du Luxembourg pendant 6 ans
1855 Trente six de ses œuvres sont exposées à l’exposition Universelle de Paris
1857 Après vingt ans d’attente il est élu à l’Institut
1863 Delacroix meurt à Paris d’une longue maladie

Description

Ce tableau représente les massacres perpétrés à Chios en 1822 par les Ottomans lors de la guerre d’indépendance grecque. L’insurrection du Péloponnèse en 1824 fera plus de 22000 morts en Grèce. Les survivants deviendront des esclaves.
Au siècle des Lumières, les grecs étaient considérés comme un peuple civilisé proche des européens.
Sur ce tableau les grecs ne sont pas des héros, mais des habitants désarmés.
C’est le cavalier ottoman qui fait figure de héros.
Delacroix montre la détresse de ces gens, jetés dans l’attente de la mort et de l’esclavage . Il provoque l’émotion devant la souffrance et la terreur.
C’est le sujet du moment et la raison principale pour laquelle il a choisi de représenter cette scène.
En peignant ce tableau Delacroix est assuré de faire parler de lui.

Composition

La composition rappelle celle du tableau Le Radeau de la méduse que Géricault a peint en 1818-19.
Deux groupes s’opposent : à gauche ramassé sur lui même, le groupe des grecs hagards et meurtris; à droite une scène de rapt montre un groupe enlevé et violenté par un cavalier ottoman. Le soldat turc délimite  la droite du tableau sur son cheval cabré, il symbolise le cavalier vainqueur empli de violence triomphante.
Les personnages sont isolés dans leur attente et leur souffrance.
Ceux du premier plan sont prostrés et résignés. Une femme âgée assise, regarde le ciel, elle symbolise l’accablement d’un peuple entier.
Les trois femmes du premier plan sont une reprise du tableau de David :
Les Sabines avec la représentation des trois âges
Au second plan les combats se déroulent dans un paysage vaste, coloré et lumineux dont la transparence sert la beauté barbare de la scène.
La nature aride et la ligne d’horizon élevée accentuent le sentiment de fatalité qui pèse sur les vaincus.
Il n’y a pas de centre dans cette composition.
Delacroix a un sentiment parfait du coloris, il joue avec les contrastes d’ombres et de lumières. L’ombre recouvre le cavalier ottoman alors que la lumière éclaire les habitants qui se font massacrés.
On observe l’harmonie des rouges et des bleus.
Avec l’emploi des couleurs livides, Delacroix impulse de l’énergie à son tableau.
A l’infini la terre est remplie de ruines. Dans le ciel vide, on  voit la fumée des villages en feu.Le tableau est saturé d’incendies, de pillages, le terrain est ravagé, jonché de morts et de taches de sang.
Dans cette oeuvre, Delacroix accumule les actes barbares.

Analyse

Dans ce tableau Delacroix ne montre ni le moment de la bataille, ni le moment de la Violence.
Il représente les conséquences d’une domination : un peuple réduit à l’esclavage.
Il exprime une violence humaine.
Cette toile a contribué à faire pencher l’opinion occidentale en faveur des grecs.

Delacroix peint ce tableau  par opportunité plus que pour aider le peuple grec.
Le peintre n’a pas de connaissance sur la Grèce, ses références sont les journaux du temps. Il consulte l’ouvrage de C.E. Savary Lettres sur la Grèce –1788, celui de Rosset Mœurs et coutumes turques et orientales -1790 et il s’inspire de la collection d’objets et de costumes orientaux rapportés des voyages en Grèce, Egypte et Maroc de jules Robert Auguste.
Delacroix écrit en 1821 :
« …faire pour le salon prochain un tableau dont je prendrai le sujet dans les guerres récentes des turcs et des grecs. Je crois que dans ces circonstances si d’ailleurs il y a quelque mérite dans l’exécution, ce sera un moyen de me faire distinguer ».


Conclusion

Delacroix se démarque de la peinture d’Histoire telle que David ou Gros la concevait.
Exposé au salon de 1824 le tableau fut considéré comme un manifeste de la nouvelle peinture romantique, aussi bien en raison de son sujet très moderne que par son traitement d’une puissance de facture et de couleurs.
Scènes des massacres de Scio fut durement accueilli par les critiques.
Gros jugea le tableau en affirmant qu’il s’agissait du massacre de la peinture.
Entre 1823 et 1825, Delacroix peint plusieurs tableaux de grecs en costume de soldats grecs et des ottomans, certaines de ses figures ont été reprises dans
Scènes des massacres de Scio.
L’oeuvre fut acquise par l’Etat qui manifestait son désir de neutralité entre le dessin et la couleur, entre Ingres et Delacroix.
La rivalité entre ces deux peintres s’étant révélée pendant le Salon de 1824.
Ingres exposant le voeu de Louis XIII et Delacroix Scènes des massacres de Scio.

On retiendra de ce tableau que Delacroix  avant tout a choisi un sujet « accrocheur »  et qu’il l’a peint pour frapper le spectateur.